La Librairie des livres interdits
Depuis au moins Fahrenheit 451 de Ray Bradbury et les nombreux autodafés du régime nazi, les lecteurs savent en masse que le livre est dangereux et doit être interdit. Mais pouvait-onn penser qu’en 2022, dans une grande démocratie, la culture pouvait-être encore objet de peur, donc de contrôle et d’interdiction ? C’est le point de départ du roman de Marc Levy, La Librairie des livres interdits.

Mitch, cinq ans de prison
En sortant de prison, Mitch retrouve son métier de libraire. Le même qui l’y a conduit. Mais pour quel crime ? Simplement avoir vendu des livres interdits. Et avoir créé un petit cercle de lecteurs n’ayant cure de cette interdiction. Et ces livres, qui lui restent chers, et le sont pour l’histoire de l’humanité, ont tous un point en commun : ils portent l’espoir; croient en l’homme, en la liberté individuelle et dénoncent les injustices et les tyrans. Le Journal d’Anne Frank, Fahrenheit 451, La Servante écarlate… Et bien, d’autres !
Mais cet emprisonnement n’a pas eu raison de son enthousiasme ni de sa ferveur. Il l’a rendu plus discret, plus précautionneux. Et d’un homme honnête et sincère en a fait un activiste, un rebelle, pour ainsi dire. Pour le moins, il est animé par un esprit de vengeance, contre le procureur revêche qui l’a fait condamner et contre celui qui l’a dénoncé !
Anna, violée et expatriée
Un roman signé Marc Levy serait incomplet sans une belle rencontre. C’est ainsi qu’Anna entre en scène, retour d’un exil volontaire au Canada. Elle voulait y travailler, mais surtout oublier ce policier pervers qui l’a harcelée et violée, un dénommé Jabert — les amateurs d’Hugo apprécieront le clin d’œil.
La rencontre de Mitch et d’Anna va donner lieu à la fois à une enquête et à une belle histoire. Vite, cependant, la légèreté naturelle de l’auteur laisse un sentiment d’inabouti dans la mise en place d’un roman d’idées et l’histoire d’amour prend le pas. C’est la vie du lieu qui abrite leurs espoirs et leur amour, cette librairie qui est au cœur du roman et qui l’inscrit dans la longue liste des romans pour amateurs de rayonnages chargés de romans et d’histoires humaines, lieu fabuleux entre tous qu’Umberto Eco comparait judicieusement au Paradis.
En complément, Marc Levy rappelle la loi pour le moins terrible sur laquelle il construit sa fiction (loi HB1467 du 25 mars 2022 signée par le gouverneur de Floride) ainsi qu’une liste non exhaustive de livres cultes interdits pour un temps en donnant les motifs (Des souris et des hommes, de Steinbeck, pour le niveau de langue, des insultes racistes et la représentation du handicap mental et de l’euthanasie). La réalité est donc encore plus glaçante que le fiction qui, dans La Librairie des livres interdits, laisse au moins renaître l’espoir par la magie d’une belle relation et de belles âmes.
Loïc Di Stefano
Marc Levy, La Librairie des livres interdits, Robert Laffont, novembre 2024, 337 pages, 21,90 euros