In pop we trust, la philo par la pop culture
Comme tous les ouvrages qui se servent de la pop-culture pour enseigner quelque chose, le principe de In pop we trust de Marianne Chaillan n’est pas de réduire l’objet d’étude de la philosophie au divertissement, mais de la rendre accessible. Si les fans de séries-TV ne lisent ni Hegel ni Descartes, peuvent-ils accéder aux réflexions qui ont nourri les philosophes à travers les âges ? Et si les concepts ne sont pas nécessairement simples d’accès, les scènes cultes le sont forcément plus.
Bienvenue dans le monde réel, Neo
Quel est le point commun entre Terminator, La Servante écarlate, Friends, Harry Potter, Matrix ou encore Hunger Games, Indiana Jones, Orange is the new black ou La Casa de Papel ? Ce sont tous des grands succès de l’industrie du divertissement. Mais aussi des moments importants dans la vie culturelle, au point qu’ils participent à l’établissement d’une pop-culture et à son ennoblissement. Il est loin le temps ou les vieux barbons entendaient seuls délimiter le champ de la culture et rejeter comme vil et bas tout ce qu’ils ne comprenaient pas.
Travaillant à conduire vers la philosophie ceux qui ne se sentiraient pas concernés, Marianne Chaillan montre que, comme de bons Jourdain, ils faisaient de la philosophie sans le savoir. Entendons-nous. Il ne s’agit pas de philosopher, de jongler bellement avec les concepts, mais de montrer que chacun peut avoir accès aux frémissements et aux questionnements qui peuvent engendrer une réflexion de nature philosophique.
Nous le voulons. Nous en avons besoin. Nous devons posséder le Précieux.
L’accès à la philosophie se fait par grandes rubriques, où s’illustre à chaque fois une citation supposée connue de tous. Ainsi « Conscience, existence, bonheur » renvoie à « Tu ne sais rien, John Snow ». Ou bien « Raison, réel, croyance » renvoie à « Puisse le sort vous être favorable ! »).
Et chaque point de pop-culture sert de point de départ pour répondre à une question de nature philosophique. Par exemple, prenant appui sur Matrix, Marianne Chaillan s’interroge de savoir : « Avons-nous accès au réel ? » Après avoir résumé le sujet de la saga, elle s’interroge avec Platon, Arendt et Descartes sur le rapport au réel. L’homme est-il conscient de ces illusions ? A-t-il la capacité de s’en extraire ou d’abolir (consciemment ou non) la frontière entre réel et factice ?
Et vous, que feriez-vous ? Rappelons-le : on peut très bien vivre toute sa vie dans la caverne et préférer l’illusion à la vérité. Hannah Arendt nous l’a appris. Une vie dépourvue de pensée n’a rien d’impossible. Elle ne réussit pas à développer sa propre essence, c’est tout — elle n’est pas seulement dépourvue de signification, elle n’est pas tout à fait vivante. Les hommes qui ne se pensent pas sont comme des somnambules. / Vous voulez sortir de la Matrice ? La pilule rouge s’appelle philosophie.
In pop we trust est vraiment un ouvrage enthousiasmant. Il pourrait, surtout, permettre à certains réfractaires une prise de conscience
Et à tous ceux qui voudraient aller un peu plus loin, In pop we trust propose un complément bibliographique léger (jusqu’à trois ouvrages classiques). De quoi poursuivre la découverte de la philosophie !
Loïc Di Stefano
Marianne Chaillan, In pop we trust, Editions des Equateurs, octobre 2020, 256 pages, 19 eur