La fabrique des pandémies, la revanche de Gaïa
Une femme engagée
Journaliste et documentariste, Marie-Monique Robin a déjà publié des ouvrages sur des questions sanitaires et économiques comme Le Monde selon Monsanto (La découverte, 2008) et Le Roundup face à ses juges (La découverte, 2017), fruit d’enquêtes de terrain assez solides et qui abordaient aussi les dangers pesant sur la biodiversité. En début d’année, elle a fait paraître La Fabrique des pandémies, revenant sur les origines de la pandémie de COVID-19 à partir d’entretiens avec des scientifiques du monde entier.
Le monde tel qu’il est ?
Marie-Monique Robin a profité du premier confinement en 2020 pour s’entretenir avec de nombreux scientifiques via Skype sur les origines de la COVID. Un consensus entre eux a rapidement émergé : le démantèlement des écosystèmes, la déforestation, l’agriculture industrielle et la déforestation ont créé les conditions de la transmission du coronavirus de la chauve-souris vers l’homme, via un hôte encore inconnu (le pangolin paraît maintenant hors de cause). Et ce n’est que le début si on suit l’auteure, tant la nature et des animaux semblent remplis de virus contre lesquels nous n’avons pas de défense. L’urbanisation a en outre eu le fâcheux effet de désorganiser notre système immunitaire et de nous rendre plus fragiles.
Un livre passionnant et partial
Lire La Fabrique des pandémies est passionnant pour un néophyte. Marie-Monique Robin, aidée de Serge Morand, sait expliquer clairement et simplement ce qui relève des arcanes les plus obscures de la biologie. On ne peut que la suivre dans sa défense de la biodiversité, la préservation des écosystèmes apparaît pour un esprit lucide comme une condition de la survie de l’espèce humaine. On notera cependant qu’elle écarte un peu vite (mais elle n’avait pas forcément tous les éléments en main lors de la rédaction de cet ouvrage) l’hypothèse selon laquelle le virus de la COVID-19 se serait répandu à cause d’une erreur de manipulation dans le laboratoire P4 de Wuhan.
Cela n’enlève rien aux qualités de l’ouvrage qui souligne à quel point l’humanité dépend de son environnement et de ses interactions avec d’autres espèces. Le critique est aussi plus pessimiste que l’auteure : il n’y aura pas de monde d’après tant nos sociétés sont fondées sur la consommation de masse… la prochaine pandémie, qui naîtra peut-être à cause de la fonte du permafrost et d’un virus actuellement endormi, arrivera. La question est de savoir quand.
La Fabrique des pandémies est un bon livre, qui pose les bonnes questions.
Sylvain Bonnet
Marie-Monique Robin avec la collaboration de Serge Morand, La Fabrique des pandémies, La Découverte, préface de Serge Morand, février 2021, 343 pages, 20 eur