Marmont, le judas de Napoléon

L’historien des maréchaux d’Empire

Agrégé d’histoire et enseignant en classes préparatoires au lycée Janson-de-Sailly, Franck Favier s’est fait remarquer de l’amateur d’histoire napoléonienne par deux biographies : Bernadotte (Ellipses, 2010) et surtout Berthier (Perrin, 2015), tant cette dernière eut le mérite de sortir de l’ombre le chef d’état-major de Napoléon, rouage essentiel de la Grande armée. Il se penche ici sur la figure détestée de Marmont, vieux compagnon de Napoléon qu’il trahit et abandonna en 1814.

 

L’ascension d’un petit noble de province

Issu d’une famille bourguignonne en pleine ascension sociale, Auguste de Marmont bénéficie de l’attention de ses parents et réussit à les convaincre de le laisser tenter une carrière militaire. Ayant choisi l’artillerie, il rencontre vite Junot et surtout Bonaparte. Le jeune Marmont attache ses pas à cet aîné qu’il admire. Il l’accompagne à Toulon, en Italie, en Egypte. Bonaparte contribue même à sa dot lorsqu’il se marie avec Hortense Perrégeaux, fille d’un futur Régent de la Banque de France. Beau, intelligent, Marmont paraît béni des dieux. Sauf qu’il est vite vaniteux, qu’il rate la première promotion des maréchaux de France, qu’il multiplie les conquêtes féminines et néglige sa femme, pourtant très amoureuse…

 

 

 

Ah la vanité !

Persuadé de ses talents, Marmont ronge son frein. S’il réussit pleinement en tant que gouverneur de Dalmatie (au point que des rues portent encore son nom dans ce coin reculé d’Europe), il ne convainc que modérément sur le champ de bataille lors de la campagne de 1809 où en Espagne. Dans la péninsule ibérique, Marmont passe son temps à se quereller avec Soult ou Joseph Bonaparte et Wellington le bat aux Arapiles. Blessé à un bras, Marmont rentre en France et ne participe ensuite qu’à la campagne d’Allemagne, puis à celle de France. Courageux, intrépide, il lui manque pourtant la résolution et le coup d’œil tactique. En avril 1814, il est celui des maréchaux qui ose franchir le pas et soustrait son corps (après des malentendus avec ses soldats) à la guerre, rompant l’unité de l’armée française. Et le voilà  donc Judas, le duc de Raguse, à jamais le traître ! on en forgera un verbe, « raguser » qui signifie trahir. Et qu’en retirera-t-il ? Quelques hochets, le titre de major général de la garde nationale. La cour de la Restauration se méfie de lui, au point de lui refuser le commandement de l’expédition d’Alger en 1830, qu’il avait préparé. Au lieu de cela, il commandera à Paris lors des journées de juillet et perdra…

 

Face au fils de son bienfaiteur

En exil jusqu’à sa mort, Marmont n’en a pourtant pas fini avec Napoléon. Il rencontrera son fils, l’aiglon, à Vienne et le rencontrera régulièrement pour lui parler de son père. Marmont s’attachera à ce jeune homme malade qui lui rappelle sa propre jeunesse, lui qui n’a pas d’enfants. Et voilà l’ironie de l’histoire, le fils ne rencontre comme compagnon de son père que celui qui l’a trahi… cela inspirera Edmond Rostand. Franck Favier nous a en tout cas donné une excellente biographie. Une question cependant : à quel maréchal va-t-il s’attaquer maintenant ?

 

Sylvain Bonnet

 

Franck Favier, Marmont, Perrin, juin 2018, 368 pages, 23 euros

 

On lire avec intérêt les Mémoires du Maréchal Marmont (1792-1841) sur le site Gallica.

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