Dunkerque, la dernière forteresse nazie

Si l’histoire des poches de l’Atlantique comme Saint-Nazaire ou Royan est relativement bien documenté, on connaît moins l’histoire de Dunkerque qui, de septembre 1944 à mai 1945, abrita une forte garnison allemande et fut assiégée par les alliés. Mathieu Geagea, ancien directeur du Mémorial Charles de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises, raconte ici une histoire singulière.

Une ville symbole mais de moins en moins importante stratégiquement

C’est à Dunkerque que les anglais réussirent à évacuer leur corps expéditionnaire en 1940 (ainsi que des troupes françaises). La ville, qui était un port important avant-guerre, fut occupée par les allemands. Lorsque les alliés débarquent et lancent leur offensive, Hitler et le commandement de la Wehrmacht décident d’en faire une forteresse afin de fixer des troupes américaines. C’est le contre-amiral Frisius, auparavant à Boulogne, qui en est nommé commandant. Homme dur, austère, convaincu de la supériorité nazie, il va imposer sa marque. Pendant longtemps, il croira au miracle d’une contre-offensive et « tiendra », essayant d’inculquer son jusqu’au-boutisme à ses hommes. L’offensive des Ardennes vient un temps donner de faux espoirs aux allemands, en vain. Tenir Dunkerque ne sert plus à rien. De plus, les alliés tiennent Anvers et Boulogne pour le ravitaillement. Le siège de la ville n’a plus qu’une importance secondaire.

Tenir jusqu’au bout

Pourtant, Frisius va s’accrocher. Il réussit en bon logisticien à accumuler assez de vivres, organise des bateaux de pêche et met les civils restés sur place et les prisonniers au travail dans les champs. La ville résiste aux bombardements et aux désertions. Mieux : Frisius lance une « offensive » en avril 1945 afin de réduire la pression alliée et gagner de la surface, alors que l’armée rouge est à quelques kilomètres de Berlin. Enfin, Frisius, nazi convaincu, attendra le suicide d’Hitler, la capitulation de Keitel et les ordres qui en découlent pour rendre la place de Dunkerque aux alliés. C’est cette histoire assez folle, toujours présente dans la mémoire locale, que Mathieu Geagea retrace avec talent dans cet ouvrage.

Sylvain Bonnet

Mathieu Geagea, Dunkerque, Passés composés, mai 2023, 330 pages, 23 euros

Laisser un commentaire