Gustav Stresemann, l’homme d’état de la République de Weimar

Une figure mal connue

Pour le public français, Gustav Stresemann reste l’homme des accords de Locarno en 1925 qui garantissait en particulier la frontière de l’Allemagne et de la France, et aussi de l’entrée de l’Allemagne à la société des nations. Il est aussi l’auteur d’une lettre au prince héritier des Hohenzollern, le Kronprinz, qui, publiée en 1932 trois ans après la mort de Stresemann, remit en cause la sincérité de l’ancien chancelier lors de la conclusion des accords de Locarno. Cette biographie de Christian Baecheler, ancien professeur à l’université de Strasbourg et auteur de La trahison des élites allemandes (Passés composés, 2021), revient sur cette figure controversée et énigmatique pour nous, lecteurs français du XXIe siècle.

Un libéral non-conformiste

Christian Baechler retrace l’itinéraire de cet homme issu d’un milieu populaire. Jeune homme, il fait des études de philosophie et rejoint les rangs du mouvement libéral allemand. Il devient aussi un « lobbyiste » de l’industrie saxonne tout en prônant des réformes sociales en faveur des travailleurs avec un double objectif : améliorer les relations entre les ouvriers et le patronat ou en les détachant de l’influence socialiste. Stresemann se fait élire député libéral dans une Allemagne Wilhelmienne pas encore convertie au parlementarisme. Lorsque la guerre éclate, Stresemann rejoint l’union sacrée, prône des buts de guerre maximalistes, empreints d’un nationalisme darwiniste. Le choc de la défaite est immense pour lui.

Un réaliste qui se rallie à la République et à la concertation

Stresemann se caractérise par sa capacité d’adaptation. Originellement monarchiste, il finit par se rallier sincèrement à la République de Weimar tout en ménageant les monarchistes de son parti (d’où la fameuse lettre au Kronprinz). Patriote opposé au traité de Versailles, il accepte la fin de la résistance passive lors de l’occupation par la France de la Ruhr et se lance sincèrement dans le système de la sécurité collective en compagnie de Briand. Il veut ainsi mettre fin à l’occupation de la Rhénanie et obtenir un assouplissement des Réparations tout en jouant à fond la carte de la paix et de l’intégration économique de l’Europe (ce n’est pas pour autant un précurseur du marché commun). Christian Baechler montre avec brio qu’il fut certainement le seul homme d’État de la République de Weimar, celui qui aurait pu peut-être donner un autre destin à l’Allemagne et à l’Europe

Sylvain Bonnet

Christian Baechler, Gustav Stresemann, Passés composés, février 2023, 334 pages, 23 euros

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