L’invention de la présidence de la République, l’héritage de Louis-Napoléon Bonaparte

Un jeune historien

On connaît mal encore Maxime Michelet, auteur d’une biographie de l’impératrice Eugénie (Cerf, 2020) et historien du second Empire, également président des Amis de Napoléon III. Éric Anceau, auteur d’une biographie magistrale de Napoléon III chez Tallandier, nous révèle dans sa préface qu’il prépare un doctorat sur l’Assemblée nationale de 1849-1853. Cela l’a préparé sans nul doute à écrire ce livre, L’invention de la présidence de la République.

Une caricature de l’historiographie

Cet ouvrage vient, après tant d’autres, corriger l’image désastreuse du dernier souverain des Français. Car Louis-Napoléon Bonaparte n’a cessé d’être brocardé, insulté, caricaturé : songeons à Badinguet ou au « Napoléon le petit » de Victor Hugo. On en a fait un traître à la République, un médiocre voire un idiot même (comment un idiot aurait-il eu son succès ?). Il ne s’agit pas ici de réhabilitation mais de comprendre comment son action politique a contribué à façonner l’identité politique de la France. Et puis il a contribué à fonder une institution, la présidence de la République, pour le meilleur et pour le pire en devenant le repoussoir ultime (et pourtant son portrait est dans certaines mairies avec celles de tous les autres présidents de la République).

À quoi sert un président ?

En lisant cet excellent ouvrage, il est fascinant de constater que le président sous la IIe république, annonce déjà celui de la IIIe république, malgré l’onction du suffrage universel. Il ne préside pas le conseil des ministres, l’assemblée est la source de la légitimité, chacune de ses décisions est contresigné par un ministre… Sauf que Louis-Napoléon a été élu au suffrage universel (masculin) et qu’il bâtit ses prérogatives, co-gouvernant avec ses ministres et surtout le premier d’entre eux. Il bénéficie bien sûr de l’aura de la légende napoléonienne mais il sait aussi construire sa popularité à travers ses voyages et ses bonnes œuvres, n’hésitant pas à braver des publics hostiles. Il n’est même pas sûr qu’il ait voulu nettement une restauration impériale selon notre historien qui se garde de toute téléologie. En tout cas, Louis-Napoléon se positionne tantôt en arbitre entre le peuple et l’assemblée, tantôt en représentant du peuple face aux députés (qui le sont eux-mêmes), des postures que d’autres adopteront plus tard : il annonce ici la Ve République.

Une postérité contradictoire

C’est le refus de la révision constitutionnelle devant une candidature en 1852 (et soulignons que bien des conservateurs proposaient la candidature de substitution du prince de Joinville, fils de Louis-Philippe) qui a provoqué l’engrenage menant au coup d’état. Sur bien des points, selon Maxime Michelet, Louis-Napoléon Bonaparte, l’homme de de 1851 et figure du traître à la République, annonce Charles de Gaulle et la Ve République. C’est contestable mais l’ensemble pousse à la réflexion.

L’invention de la présidence de la République est un excellent ouvrage.

Sylvain Bonnet

Maxime Michelet, L’invention de la présidence de la République, préface d’Éric Anceau, Passés composés, avril 2022, 392 pages, 24 euros

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