La vie est un choix, itinéraire du cinéaste Yves Boisset

Un auteur injustement oublié

Cinéphile et ami de Bertrand Tavernier, ancien assistant de Jean-Pierre Melville, Yves Boisset est un cinéaste un peu oublié de nos jours. C’est dommage car des films comme Un Condé, R.A.S ou Le Juge Fayard dit le shérif ont plutôt bien vieilli, même s’ils passent peu à la télévision. Il a su également des rencontres improbables sur le papier, comme celle de Sterling Hayden (Quand la ville dort de John Huston, Johnny Guitare de Nicholas Ray ou L’Ultime Razzia de Kubrick) avec Jean Yanne ou le face-à-face Lee Marvin/Jean Carmet dans Canicule. En 2011, il avait publié ses mémoires, La Vie est un choix, chez Plon, aujourd’hui réédités dans la collection « L’abeille » du même éditeur.

Un ouvrage truffé d’anecdotes

Volontiers engagé, combattant contre la censure, Boisset se révèle aussi un très bon conteur avec ses mémoires. On découvre par exemple que Melville refusa d’engager Robert de Niro comme figurant dans L’aîné des Ferchaux car il ne ressemblait pas à un américain ( !). Sur le tournage du Juge Fayard, Patrick Dewaere se montra au début insupportable, au point que Boisset et lui en viennent aux mains… et ensuite tout se passa bien. Le même Dewaere eut aussi une sort de coup de foudre pour Annie Girardot sur le tournage de La Clé sur la porte

On apprend aussi que les autorités algériennes refusèrent qu’R.A.S soit tourné dans leur pays, le ton antimilitariste du scénario étant trop déplaisant à leurs yeux. Et le film fut tourné en Tunisie.

Barracuda, le film dont on rêve encore

Et voici l’histoire d’un film qui ne s’est jamais fait. Au début des années 80, Boisset conçoit un projet sur la Françafrique et le commerce des armes. Pour le scénario, il fait appel à… Jean-Patrick Manchette, l’auteur de La Position du tireur couché. Autant dire que le film promet surtout avec l’acteur prévu, rien moins que Belmondo. Mais le film ne se fera pas, le pouvoir veille. Belmondo, mis sous pression, se désengage et le couperet arrive :

C’est alors que m’est tombée sur la tête une bombe atomique. Sur injonction de l’Élysée, je faisais l’objet d’un contrôle fiscal particulièrement musclé qui m’a mis à genoux pour plusieurs années. Sans l’avoir sans doute prémédité, Michel Charasse, ministre des Finances à l’époque et grand démocrate devant l’éternel, était en train de mettre au point un système de censure économique d’une redoutable efficacité.

En fait, les persécutions fiscales avaient commencé sous Giscard. Elles soulignent en tout cas la difficulté de signer des films politiques en France, surtout qu’aujourd’hui le public ne suit pas. Dommage comme on dit car on aurait aimé voir cela.

En tout cas,  lisez La Vie est un choix, ce bouquin qui fait rêver de cinéma.  

Sylvain Bonnet

Yves Boisset, La Vie est un choix, Plon « l’abeille », mai 2021, 480 pages, 11 eur

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