Mes révoltes de Jean-Marie Rouart

Rarement un livre aura été aussi mal nommé que celui-ci. Pourquoi Jean-Marie Rouart a-t-il appelé Mes révoltes son dernier bouquin qui n’en comporte aucune ? Ce titre risque d’induire en erreur un lecteur qui s’attend tout naturellement à un rude plaidoyer pour, ou contre, quelqu’un, ou quelque chose, à une vibrante accusation, voire un coup de gueule bien senti, barricade littéraire qui libère son auteur de ses aigreurs contestataires…

Rouart se raconte

Mais ici, de révoltes, point. Au contraire. Jean-Marie Rouart, qui a déjà plus de trente ouvrages dans sa besace, n’a pas attendu celui-ci pour se révolter. Mais il a seulement éprouvé le besoin de raconter, sereinement, calmement, des épisodes de sa vie ou des rencontres marquantes qui l’ont illustrée. Celles de Raymond Aron, par exemple, de Michel Déon, ou de celui qui devint son ami, Jean d’Ormesson, après l’avoir côtoyé à la rédaction du Figaro,  quand il y pigeait comme jeune stagiaire. 

A ce Figaro, d’ailleurs, il consacre de nombreuses pages, brossant avec une belle liberté de ton des portraits plus ou moins élogieux, parfois au vitriol. De la Justice, aussi, il parle abondamment, sans retenue sur les critiques dont il l’habille. 

Rien ne ressemble plus à une représentation théâtrale qu’une audience au palais de Justice. Les grands acteurs, leurs travestissements, le décor solennel, les discours empruntés, tout fait penser à la scène. 

Il faut dire qu’il connait bien cette institution pour avoir été lui-même « dans le box des accusés », ce qui nous vaut des passages étonnants sur les avocats et l’« irréalité » d’un procès. Il la connait aussi pour avoir pris, publiquement, la défense d’Omar Raddad, le jardinier marocain accusé du meurtre de Ghislaine Marchal, procès qu’il raconté, et surtout déploré, dans son livre « Omar, la construction d’un coupable ». 

et raconte 50 ans d’histoire littéraire de la France

Pour autant, il n’y a pas de révolte dans ce livre très intéressant, qui évoque la vie en France de ces cinquante dernières années, sa littérature, sa vie politique, et bien sûr l’Académie Française où il siège aujourd’hui. Jean-Marie Rouart est un trop fin observateur du monde qui l’entoure pour ne pas l’accepter tel qu’il est. Tout au plus épingle-t-il avec humour, ou ironie, les encombrements qui ont dressé devant lui la bêtise, la méchanceté, l’arrivisme, ou plus simplement le mauvais sort. 

Ce livre est donc à lire sans lever le drapeau rouge. On se méfiera particulièrement des rodomontades du « Prière d’insérer », du genre « C’est ce mystère de la destinée qu’il interroge, en auscultant le roman de sa vie » !… En académicien consciencieux, cadre supérieur de la littérature, appointé chez Gallimard, Jean-Marie Rouart n’a que faire d’interroger la destinée.

Avec finesse, humour, et un réel talent de conteur, Jean-Marie Rouart dit dans Mes révoltes ce qu’il sait de la vie, et des hommes qu’il a croisés. C’est tout. Et c’est très bien. 

Didier Ters

Jean-Marie Rouart, Mes révoltes, Gallimard, mars 2022, 270 pages, 20 euros

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