Le futur du monde global, le testament politique de Mikhaïl Gorbatchev

Le mythe Gorbatchev 

Dernier premier secrétaire du PCUS, père de la Perestroïka et fossoyeur pour beaucoup de l’URSS, Gorbatchev fut une véritable étoile filante des médiatiques années 80. Dès son arrivée au pouvoir en 1985, il fait preuve d’un charisme incroyable, de la part d’un dirigeant soviétique, et devient en peu de temps une idole en Occident. On parle alors de « Gorbymania » tandis que le leader soviétique, conscient des faiblesses de son pays, parle de désarmement nucléaire. Les élites soviétiques sont alors terrifiées par le défi stratégique de la « guerre des étoiles » lancée par un Reagan pour une fois très inspiré. Le problème de Gorbatchev est que le bloc de l’est est profondément malade. Et peu à peu le mur se lézarde, d’abord en Pologne puis en Allemagne de l’est. En 1989, les démocraties populaires se délitent et laissent la place à des démocraties parlementaires et en 1991 l’URSS disparaît… Gorbatchev sombre alors dans un relatif anonymat, échouant piteusement aux élections présidentielles russes de 1996 et se recycle comme conférencier. Quant à l’opinion occidentale, elle a oublié son ancienne idole…

Et voici que paraît Le futur du monde global. Dans cet essai l’ancien léniniste nous parle de notre monde et de l’avenir… 

Critique des Etats-Unis  

En lisant cet essai, on découvre des critiques assez acerbes envers la politique américaine des trente dernières années. Gorbatchev mentionne ainsi l’attitude américaine et occidentale envers l’annexion de la Crimée à la Russie (oubliant les traités internationaux ainsi piétinés) ou l’invasion en Irak en 2003. Il est ici plus que convaincant mais qui peut aujourd’hui défendre cette intervention qui a complètement déstabilisé une région qui était déjà une poudrière ?

Sur la question du désarmement nucléaire, dont il fut un des zélés artisans, Gorbatchev critique plus les Etats-Unis que son propre pays après la dénonciation par Trump du traité INF portant sur les armes nucléaires à portée intermédiaire. On ne peut que souscrire, tant le monde d’aujourd’hui devient une jungle stratégique. Mais pour autant Gorbatchev oublie ou minore dans d’autres domaines l’action néfaste de Vladimir Poutine, dont il a été pourtant un grand critique. 

Réflexions utiles 

Il est piquant de voir l’ancien patron de l’URSS s’autoproclamer désormais social-démocrate… Gorbatchev est pour autant percutant quand il critique la vague populiste actuelle (soutenue par Poutine) ou le rôle de certains médias. Homme politique avisé, vieux renard, le regard affûté par son expérience internationale, Gorbatchev voit les principaux dangers à l’horizon : réchauffement climatique, montée des inégalités, capitalisme néolibéral mortifère, terrorisme…

Son essai sonne comme un avertissement aux jeunes générations, si on met de côté certains plaidoyers pro-domo. Vu l’ampleur des problèmes, on se doit de le lire. 

Sylvain Bonnet 

Mikhaïl Gorbatchev, Le Futur du monde global, traduit de l’allemand et du russe par Françoise Mancip-Renaudie et Olivier Mannoni, Flammarion, octobre 2019, 216 pages, 18 eur

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