Olympe de Gouges, une femme dans la révolution
Conspuée de son vivant, passée par la guillotine pour s’être frontalement opposée à Maximilien de Robespierre, cet ardent faiseur de la Terreur, Olympe de Gouges (1748-1793) a passé près de deux siècles dans un oubli inadmissible. Il faudra des lectrices fortes et engagées, dont la journaliste et féministe Benoîte Groult (1920-2016), pour qu’elle sorte des oubliettes de l’histoire. Mise au programme du baccalauréat avec sa Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, Olympe de Gouges retrouve sa place, première, au centre de la question féministe, mais également de la question de la concorde nationale. Son projet est bien celui d’une société apaisée, pour laquelle elle entend combattre les injustices qui concourent à abimer le contrat social dont la seule finalité devrait être l’égalité — et l’équité — de tous au regard de la Loi (femmes, esclaves dont elle réclame l’émancipation, démunis pour lesquels elle rêve d’une caisse sociale communautaire, etc.).

une vie de combattante
Avec Olympe de Gouges, une femme dans la révolution, les deux éminentes universitaires spécialistes de la période, Florence Lotterie et Élise Pavy-Guilbert, s’attachent à écrire la vie de cette combattante en suivant la réorganisation propre au film réalisé par Julie Gayet et Mathieu Busson. De sa condamnation, le lecteur remonte tous les fils qui la conduisent à l’échafaud en 1793 et entend ses paroles fortes (« La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune ») ainsi que son long combat contre ceux qui s’accaparent les bienfaits de la Révolution pour en faire un pouvoir à leur main, niant ainsi tous les principes qui ont permis ce moment historique. Elle pousse les hommes au pouvoir à être tout à fait en accord avec leur idéologie initiale, et à ne pas se renier. Elle se bat sur tous les fronts, signe des pamphlets et des affiches, joue sa vie dans chaque mot qu’elle porte comme fer au feu. Elle lance, enfin, un gant symbolique à ceux qui, finalement, préféreront la faire exécuter que de convenir de son bon droit.
L’héritage d’Olympe de Gouges est immense. Mais il faudra attendre deux siècles pour qu’on le lui reconnaisse, et encore plusieurs décennies pour que les femmes acquièrent les droits civiques essentiels à leur participation active à la vie de la société (droit de vote, droit d’ouvrir un compte en banque sans le consentement préétabli du mari ou du père, etc.). Olympe de Gouges rêvait de voir la femme entrer d’un pied totalement libre et égal à l’homme dans la vie de la Cité ; on attend, on espère, que son long combat aboutisse enfin.
Plus que le roman d’un film
Olympe de Gouges, une femme dans la révolution se clôt sur une visite des coulisses du film, par les deux réalisateurs. On apprend la naissance de ce projet et la manière dont la biographie a été réorganisée pour être condensée et que cela produise plus d’impact. Et, il faut le dire, le film est une vraie réussite, il emporte avec lui dans cette montée fière jusqu’à l’échafaud, sur les pas de cette femme d’une incroyable pugnacité, d’une lucidité franche et d’un courage sans équivalent.
C’est, en complément de la biographie de référence d’Olivier blanc, Marie-Olympe de Gouges, une humaniste à la fin du XVIIIe siècle, une biographie politique et émouvante. Elle permet de s’inviter dans la vie si riche de cette femme d’exception, en avance sur son temps dans bien des domaines de la pensée politique, et qui paiera de sa vie son engagement sacrificiel. Qu’elle ne soit pas encore entrée au Panthéon est une incompréhension majeure. On attend également une édition accessible de ses œuvres complètes, qui rendra enfin justice à la puissance et la modernité de sa voix.
Loïc Di Stefano
Florence Lotterie et Élise Pavy-Guilbert, Olympe de Gouges, une femme dans la révolution, Flammarion, février 2025, 176 pages, 22 euros