Richard Sorge, le maitre espion de Staline
Le cas Sorge
Espion soviétique d’origine allemande, Richard Sorge est entouré d’une aura mythique née de son vivant. L’homme a fasciné jusqu’à ses bourreaux, des écrivains comme John Le Carré (ancien espion lui-même) ont exprimé leur admiration et des historiens ont rapporté qu’il fut un des (nombreux) « cassandre » qui avertirent Moscou de l’imminence du déclenchement de l’opération Barbarossa. Devenu héros de l’union soviétique grâce à Khroutchev, héros de séries télévisées et de films, qui était réellement Richard Sorge ? Owen Matthews, reporter et auteur des Enfants de Staline (Belfond, 2009) essaie d’y répondre avec cette biographie.

Un aventurier communiste
Né d’un père allemand et d’une mère russe à Bakou, Sorge se bat dans l’armée allemande pendant la première guerre mondiale, d’où il ressort éclopé et avec la croix de fer. Il se rallie avec enthousiasme à la révolution d’Octobre et ne tarde pas à militer. Séduisant, il accumule les conquêtes féminines, se marie et… rejoint l’internationale communiste, le Komintern. Commence alors la double vie du camarade Sorge, journaliste et intellectuel renommé le jour et espion communiste la nuit. Débauché par les renseignements militaires soviétiques (en « guerre » permanente avec le Komintern), Sorge finit, après des séjours au Danemark ou en Angleterre, par quitter l’Europe pour la Chine.
Un grand espion
À Shanghai, Sorge organise brillamment son réseau en noyautant les légations et les étrangers présents dans la concession internationale. Noceur, buveur, toujours pétulant, Sorge s’impose parmi les allemands particulièrement qui ne se doutent de rien : il devient même membre du NSDAP ! Il accumule les renseignements qu’il transmet à Moscou. En pleine période de purges, Moscou peine pourtant à interpréter correctement les données transmises. Sorge déménage ensuite à Tokyo où il devient ami du futur ambassadeur Eugen Ott. Notre maître espion a accès à des données confidentielles sur l’armée japonaise au moment de la bataille de Khalkin Ghol qui l’oppose en 1939 à l’ armée rouge, et surtout aux plans de Barbarossa. On restera toujours étonné de la façon dont Staline s’est auto-persuadé qu’Hitler n’attaquerait pas à ce moment-là. Mais même les meilleurs se font prendre et Richard Sorge sera démasqué par les japonais, au grand dam des Allemands éberlués.
Chapeau l’artiste ! Une bonne biographie.
Sylvain Bonnet
Owen Matthews, Richard Sorge un espion parfait, traduit de l’anglais par Martine Devillers-Argoua’ch, Perrin, octobre 2020, 480 pages, 24 eur