Demokratia, les transformations de l’idée de démocratie

Peu connu en France, Paul Cartledge a été professeur à l’université de Cambridge et a publié de nombreux ouvrages sur la Grèce ancienne, particulièrement sur les spartiates ou Alexandre le Grand, non traduits à ce jour. Demokratia est un essai sur l’idée de démocratie, de la Grèce antique jusqu’à nos jours et cela ne manque pas d’ambition.

Une idée ancienne et multiforme

La connaissance de la période antique par l’auteur est indéniable. La démocratie est née donc en Grèce et particulièrement à Athènes au VIe siècle grâce aux réformes de Clisthène après la période des tyrans de la famille des Pisistratides. Elle s’appuie sur la participation des citoyens à l’élaboration et au vote des lois, avec l’appui de la religion et des dieux tutélaires de la cité et a aussi recours à l’idée d’égalité (qui est polysémique).

Premier paradoxe : les sources grecques parvenues jusqu’à nous sont largement hostiles à la démocratie, Aristote étant le plus mesuré et aussi le plus fouillé dans son analyse.

Deuxième paradoxe : l’âge d’or des cités démocratiques ne se situe pas au Ve siècle, celui du « moment » athénien mais au IVe siècle. C’est là que beaucoup de cités grecques adoptent le régime démocratique, avec certaines limites. La démocratie du IVe siècle, selon Paul Cartledge, étant différente de celle connue par Athènes au Ve siècle…

La survie de la Demokratia

L’idée d’un pouvoir exercé par le peuple survit à la défaite d’Athènes face à Alexandre ou ses successeurs. Certaines cités gardent un régime (plus ou moins) démocratique durant la période hellénistique. Rome, quant à elle, république largement oligarchique avec des éléments démocratiques (je recommande le chapitre que Paul Cartledge y consacre), se fond dans le cadre légué par les empires fondés par les diadoques mais le régime démocratique des cités s’estompe peu à peu, guère aidé par le christianisme naissant puis hégémonique. L’idée resurgit dans l’Italie du Quattrocento puis au cours des révolutions anglaise, américaine, française, s’appuyant toutefois sur le système de la représentation et en ayant largement recours à l’exemple romain, preuve de la méconnaissance de certains penseurs des Lumières (et c’est normal vu l’état de la recherche historique au XVIIIe siècle). Athènes avait une pratique de la démocratie plus directe, rappelons-le. Et beaucoup aujourd’hui dans nos « vieilles » démocraties réclament justement plus de référendums, plus de démocratie directe, plus d’Agora ? Le débat est ouvert.

Cet essai sur l’idée de démocratie, des grecs à nos jours, véritablement passionnant, parfois irritant, pousse à la réflexion. Je vous invite à lire Demokratia pour tout simplement débattre comme autrefois Périclès et Démosthène.

Sylvain Bonnet

Paul Cartledge, Demokratia, traduit de l’anglais par Simon Duran, Passés composés, janvier 2023, pages, 25 euros

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