Philby, naissance d’un agent double

Philby est l’histoire authentique de l’un des plus incroyables agents doubles de la Guerre Froide. Ou comment un gracieux sujet de sa Majesté britannique, de bonne famille, a eu un fort penchant pour le communisme. S’il n’est pas le seul, et s’il en existait de chaque bord, son histoire est exemplaire. Et Pierre Boisserie et Christophe Gaultier s’en saisissent avec brio. 

Une vie hors du commun

Je ne savais absolument pas ce qui m’attendait. Je savais simplement que cet homme me servirait de référent… et me ferait entrer dans ce monde secret de l’espionnage, qui me semblait être la meilleure voie pour mener à bien mon combat.

Harry Philby est le fils de John Philby, issu de la grande bourgeoisie anglaise, espion et grand aventurier spécialiste de l’Orient, qui ira jusqu’à se convertir à l’islam. Ce père est essentiellement absent. Harry Philby est élevé par sa mère. A l’adolescence il se révolte contre les valeurs familiales. Les épopées que lui raconte son père dans ses rares moments de présences et dès son plus jeune âge doivent rapidement lui insuffler l’envie de conquête et de grands espaces. Son père va jusqu’à le renommer, Kim en hommage au livre éponyme de Kipling.

Il se forge ses idées à l’université et passe du socialisme au communisme. Il intègre un groupe qui se prénommera le cercle des cinq de Cambridge. Ces cinq larrons vont tous suivre des chemins parallèles et s’engager dans l’espionnage la fièvre au corps pour défendre les opprimés face au capitalisme et au socialisme.

Nous suivons les aventures incroyables de Philby, l’homme aux deux visages. Journaliste pour le Times sur les zones de conflits puis espion du gouvernement anglais et du MI6, il fait aussi remonter tout au long de sa carrière les informations cruciales aux bolchéviques.

Rendre compréhensible la vie complexe de Philby

Extraire la vie de personnes aussi incroyables que Philby et en faire un résumé en bande dessinée n’est pas chose aisée. Leurs vies est si riche et si longue avec certainement de nombreux secrets non dévoilés. Imaginez que Philby a trompé son pays pendant près de trente ans. Le Gouvernement britannique ne doit pas avoir envie d’ébruiter tous les dessous de l’affaire. Mais les auteurs ont pu s’appuyer sur de nombreux livres et documents retraçant sa vie.

En tout cas la narration permet de bien comprendre ce qui a amené un homme issu de la grande bourgeoisie à devenir l’un des plus grands traitres de l’Empire. Ou comment être à la fois un homme dans la lumière et dans l’ombre.

Le dessin de Christopher Gaultier est de la même veine que son dernier roman graphique, La Tragédie de la brune, paru chez Les Arènes. Pour le moins assez différent de ses précédentes créations. L’influence de la tablette graphique s’en ressent même s’il garde toujours un penchant pour la caricature. 

Xavier de la Verrie

Pierre Boisserie (scénario) et Christopher Gaultier (dessin), Philby, Les Arènes, mars 2020, 88 pages, 20 eur

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