Paul Doumer, la méritocratie républicaine en action
A la fois agriculteur et juriste (ce qui n’est pas commun), Paul Mougenot a enseigné le droit à l’université de Reims ainsi qu’à l’institut catholique de Paris. Il a ici décidé de consacrer un livre à un illustre inconnu, Paul Doumer, président de la République pendant à peine une année et assassiné par un russe blanc (toujours se méfier de nos lointains voisins de l’est…) le 6 mai 1932. Au-delà ce cette issue tragique, on peut se demander une chose : pourquoi écrire un livre sur Doumer ?
Un enfant du peuple

Paul Mougenot retrace bien l’itinéraire de cet enfant né à Aurillac dans le Cantal dans une famille désunie. Le jeune Paul grandit sans son père, visiblement communard et déporté, et se consacre à ses études. On voit donc ici un jeune garçon, puis un jeune homme, qui réussit un parcours scolaire sans faute. Ouvrier graveur, il enchaîne les diplômes, décroche sa licence et devient professeur, preuve que l’ascenseur social existait au XIXe siècle. Doumer, passionné par la chose publique, devient journaliste avant d’être élu député en 1888. Républicain de conviction, radical, il est ministre des finances pendant six mois en 1895-96 puis est nommé gouverneur général de l’Indochine où il demeure de 1897 à 1902. Partisan de l’empire colonial, il se fait remarquer par sa volonté d’assainir les finances (encore !) de la colonie. Et fera construire le pont « Paul Doumer », rebaptisé depuis « Long Biên », à Hanoï.
Un père et ses fils
Doumer se fait réélire député en 1902 et président de la chambre des députés en 1905-1906. Il soutient la séparation de l’église et de l’état et se fait connaître en publiant Le livre de mes fils, un ouvrage de morale et de bonnes phrases à destination de ses enfants qu’il adore. Doumer perdra quatre fils pendant la grande guerre, une série de deuils qui le marquera. Devenu sénateur, un temps à nouveau ministre des finances, Doumer soutient une politique de fermeté contre une Allemagne qui traîne les pieds pour payer les Réparations. Homme de convictions, patriote, on peut penser qu’il se serait comporté très différemment d’Albert Lebrun en 1939-40… Ce livre restitue en tout cas un itinéraire qui méritait un coup de projecteur.
Sylvain Bonnet
Paul Mougenot, Paul Doumer, le dernier président assassiné, Passés composés, mars 2025, 300 pages, 19 euros