« La Prunelle de ses yeux », un thriller psychologique d’Ingrid Desjours
Quoi de mieux qu’une psychologue spécialisée en sexo-criminologie pour écrire un thriller ? Si en plus, cette auteur manie bien la plume, on tient The thriller psychologique à lire : La Prunelle de ses yeux où l’on est aveugle de bien des façons.
Justice aveugle
Gabriel Abramovic a tout perdu en une nuit : Victor, son fils de 17 ans mort sauvagement assassiné, ses yeux, sa vie, ses espoirs… Treize ans plus tard, la seule chose qui lui permet d’avancer en dehors de sa canne blanche, c’est sa volonté de faire la lumière sur les événements qui l’ont plongé dans l’obscurité. L’amour de son fils et la haine de son meurtrier vont lui servir de moteur. Il recrute alors Maya, jeune femme solitaire et tourmentée pour guider ses pas vers une vérité complexe.
Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois.
Difficile de résumer le dernier roman d’Ingrid Desjours par peur de trop en dire. Mais une chose est sûre, il s’agit d’une véritable pépite que l’on a du mal à lâcher. Ce thriller est construit autour de chapitres courts et efficaces, alternant les points de vue et les époques. Victor en 2003, Gabriel en 2016, Maya en 2016. Chacun apporte une lumière différente sur les événements entourant la mort de Victor jusqu’à la scène charnière. Inéluctable, on l’attend autant qu’on la redoute car chose rare dans un thriller, on ne sait vraiment pas ce que l’on va découvrir. D’une violence psychologique et physique terrible, elle nous laisse à terre autant que les personnages. Aveugle jusque là, le lecteur assemble enfin les différentes pièces du puzzle.
Une vérité, trois points de vue
La psychologie des personnages est creusée (le contraire aurait été un comble pour une psychologue) : tous sont aveugles à leur façon. Gabriel souffre d’une cécité de conversion, une maladie méconnue et effrayante : suite à un traumatisme psychologique, vous perdez la vue. Victor est aveuglé par la haine qu’il ressent envers l’élite et par les non dits entretenus avec son père. Maya quant à elle, est aveuglée par sa peur. Trois personnages qui vont, chacun à leur manière, retrouver la vue. Mais n’en disons pas plus.
Contre la bêtise ordinaire
Les sujets abordés autour de l’intrigue finissent d’accrocher le lecteur car tous font écho à notre époque : harcèlement, bizutage, rapports conflictuels entre les parents et les enfants, xénophobie et antisémitisme, tout ce que notre société porte de plus sombre est abordée. D’autant que l’action en 2016 se déroule à quelques mois de présidentielles. Ingrid Desjours aborde aussi l’aveuglement collectif de ceux qui préfèrent l’ennemi imaginaire, le rende responsable de tout pour ne pas se poser les bonnes questions.
On ne peut donc que conseiller la lecture du dernier thriller d’Ingrid Desjours, La Prunelle de ses yeux. Prenant, surprenant, elle sait tenir en haleine le lecteur grâce à une intrigue subtile doublée d’une écriture efficace.
Clio Baudonivie
Ingrid Desjours, La Prunelle de ses yeux, pocket, octobre 2017, 448 pages, 7,80 euros