Putzi, le pianiste d’Hitler

Associant un travail de recherche conséquent à une plume alerte, Thomas Snégaroff, historien et homme de radio, se lance dans une histoire du IIIe Reich par le prisme de Ernst Hanfstaengl. Il fut un de ses premiers soutien, un de ses admirateurs, et partageait avec lui la passion de Wagner, qu’il jouait au piano pour lui plaire. Voilà pour l’origine de son titre, le pianiste d’Hitler. Quant à Putzi, malgré son imposante carrure, c’est le surnom de ses jeunes années. Alors voici l’histoire de cet homme qui fut Allemand et Américain, ami d’Hitler et de Roosevelt…

Double biographie

Thomas Snégaroff se propose, comme d’autres avant lui, de regarder l’histoire du IIIe Reich par un angle différent. Il fait le récit de la vie de Putzi et, en même temps, raconte les grands moments de cette histoire qui commençait dans une taverne bavaroise pour finir dans un bain de sang monstrueux.

La femme de Putzi adore Hitler, que lui-même rencontre presque par hasard, alors que le futur dictateur vient de sortir de prison et enchaîne les harangues antisémites dans des tavernes bondées. Le charme opère immédiatement et Hitler bénéficie d’une entrée dans les milieux argentés des grandes familles allemandes.

Un nazi d’Harvard

C’est l’histoire d’un homme qui fut l’ami d’un monstre et qui demeura charmant.

Au-delà, Thomas Snégaroff dresse le portrait intime d’un homme déchiré. D’abord entre son pays natal et son pays adoptif, mais aussi entre ses penchants personnels (artistiques) et sa conscience. Un homme qui fut l’intime d’Hitler avant que ce dernier le lui voue une haine aussi forte qu’irrationnelle et le condamne à mort. Irrationnelle, parce qu’hitlérienne, mais fondée sur le fait que Putzi a été également l’intime de Roosevelt, qu’il le renseigna. Un homme de culture pris par sa passion pour un homme du Mal. Thomas Snégaroff cherche à comprendre comment cette chose est possible, comment elle s’est construite sur la base d’un patriotisme fervent mais pas hystérique et d’un conflit interne multiple. Autant d’ailleurs que ses revirements, parce qu’il cherchera à rester fidèle à tous ses amis, même s’ils sont en guerre l’un contre l’autre.

Ce n’est pas seulement l’Histoire par le petit bout de la lorgnette que fait découvrir Putzi, le pianiste d’Hitler. C’est tout un homme dans sa complexité qui est dévoilé, et à travers lui l’intimité de deux géants de l’Histoire. Thomas Snégaroff a une plume très agréable, qui mêle les voix avec beaucoup de talent, offrant à son lecteur un récit historique de première qualité.

Loïc Di Stefano

Thomas Snégaroff, Putzi, le pianiste d’Hitler, Gallimard, « Folio », mai 2022, 360 pages, 7,60 euros

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