de Gaulle, 1969 : l’homme du destin français

Un historien des grandes figures

On connait Arnaud Teyssier, haut fonctionnaire, comme l’auteur de nombreuses biographies : citons celle de Lyautey (Perrin, 2004), de Charles Péguy (Perrin, 2008), de Louis-Philippe (Perrin, 2010), de Richelieu (Perrin, 2014) et enfin celle, remarquable, de Philippe Séguin (Perrin, 2017). Il publie ces jours-ci de Gaulle 1969,un essai, à l’occasion de l’anniversaire de son départ du pouvoir, sur l’action du général de Gaulle durant sa dernière année de pouvoir. On a souvent dit, en parlant de cette dernière année qui suit les évènements de mai 68 que de Gaulle avait perdu la main face à la société française.

L’homme du défi, une fois de plus

Que nous dit Arnaud Teyssier ? A rebours de bien des historiens ou analystes, y compris des contemporains, il estime que de Gaulle avait bel et bien un projet censé répondre aux besoins de la société. Pour ce contemporain de la génération d’Agathon, profondément barrésien, il s’agit ici d’un acteur nouveau pour qui la tutelle de l’Etat paraît désormais trop lourde. Or pour de Gaulle l’Etat, indissoluble de la Nation, est tout. Sans tomber dans la « statolatrie », de Gaulle sait que c’est l’Etat, celui des rois, qui a fait la France (comme en Angleterre d’ailleurs). C’est l’Etat, celui des jacobins et de Napoléon, qui est sorti vainqueur de la Révolution. C’est donc l’Etat qu’il veut renforcer avec son projet de participation.

Le drame se met en place

Face à une jeunesse étudiante en plein délire gauchiste et qui hypnotise la société, de Gaulle propose la « participation », son grand projet un peu nébuleux, qui vise à inclure le citoyen dans les entreprises, dans les collectivités dans le processus de décision (rien à voir cependant avec la décentralisation mise en place par Mitterrand). Tout ça devant se faire en dehors (voire contre) les partis qu’il déteste tant. Selon Teyssier, le but de de gaulle est simple : préserver la France des bouleversements de la société de consommation et du léviathan du progrès technique. Vaste programme auquel le connétable ajoute la transformation du Sénat en une chambre d’élus locaux associés à des grands patrons et à des leaders syndicaux. Or c’est là qu’il a perdu : il privait ainsi nombre d’élus locaux, petits maires et conseillers généraux de leur rêve : devenir sénateurs. Et tous se liguèrent contre lui, de Giscard à Mitterrand en passant par Duclos ou Poher ! Sic transit gloria mundi…

L’échec de de Gaulle ?

Et voilà notre grand homme qui quitte le pouvoir par un télégramme laconique. Il s’isole puis part en Irlande où il commence ses mémoires d’espoir. Triste ? Oui, il l’est. Optimiste ou pessimiste ? Cela varie selon les moments. Il veut croire que la France, à qui il a légué sa meilleure constitution, se réveillera un jour de la torpeur lénifiante qui enivre les pays en paix et prospères.

Nous voici en 2019, devant le néant nihiliste de notre civilisation techniciste. Et nous sommes quelques-uns à nous rappeler de lui, du grand homme, celui que révérait Romain Gary et André Malraux, à le voir comme un exemplum au moment où notre pays est de plus en plus déboussolé. « Il avait quand même de la gueule le père de Gaulle » sifflait mon père, qui le détestait à cause de la perte de l’Algérie, quand il voyait ses épigones se déchirer pour son héritage.

Voici un essai remarquable qui parle de lui, le grand homme aimé des foules françaises ou étrangères, et de nous aussi, cette France qui ne sait pas, à ce jour, où est son destin.

Sylvain Bonnet

Arnaud Teyssier, de Gaulle 1969, Perrin, mars 2019, 304 pages, 22 €

Laisser un commentaire