Rétiaire(s), l’enfer du trafic de drogue
Un auteur phare du polar français
DOA, alias Hervé Albertazzi, s’est construit une solide réputation avec des polars violents comme Pukhtu (Gallimard, 2015) et Pukhtu 2 (Gallimard, 2016) et aussi en collaboration avec la grande Dominique Manotti avec L’honorable société, qui remporte le grand prix de littérature policière en 2011 (comme d’ailleurs Citoyens clandestins en 2007). Rétiaire(s) est issu d’une histoire développée avec Michaël Souhaité en vue d’une série pour France télévisions, projet qui échoua… Preuve de plus de l’incapacité chronique de la télévision française à produire des projets « risqués » (les séries proposées par Canal + et Arte sont l’exception). Et que vaut le roman ?
Trafics, gitans et mort
« Théo est seul. Le temps de s’en rendre compte et, malgré la douleur, il se lève, monte quatre à quatre au premier. Bruit de chute, léger, il vient de s’en souvenir. Au bout du couloir, une porte est entrouverte. Juste devant, par terre, il y a sa fille, Camille, dix ans. Son visage, un masque grotesque, sanguinolent et cabossé. Théo sursaute dans sa cellule de garde à vue. Le boucan est revenu. Il gueule. »
Voici Théo, un flic des Stups qui vient de voir sa famille assassinée. Pour se venger, il bute Noureddine Hadjaj, un trafiquant membre du réseau de la famille Cerda, apparemment responsable de la mort des siens. Ceux-là sont surveillés par l’Office anti-stupéfiants avec un but simple : les faire tomber, surtout que leur chef Momo alias Mohamed Cerda, est en prison après une escapade en Espagne. En prison près de Théo. Momo est un ancien indic de Théo. Presque un ami. On pourrait croire que Théo a tué Noureddine pour faire plaisir à Momo. C’est peut-être ce qu’il a voulu faire croire. Pendant ce temps, les flics font tout, en plein confinement, pour faire craquer les Cerda… À la fin, seule la mort gagne.
Un roman implacable
Rétiaire(s) est une machine sourde, dure, bien huilée, qui peint au lecteur la réalité du trafic de drogue et des compromissions entre flics et voyous. C’est aussi un constat implacable de la déliquescence de notre société et des travers. La famille Cerda finit par évoquer celle des légendaires Atrides (à vous, lecteurs, de vous faire votre opinion). Au total, ce roman est une complète réussite et il vous hantera longtemps.
Sylvain Bonnet
DOA, Rétiaire(s), Gallimard « série noire », janvier 2023, 432 pages, 19 euros