A lire à ton réveil, quand la réalité devient fragile
Un des meilleurs auteurs actuels
Auteur de l’excellent American Elsewhere (Albin Michel, 2018) et du très bon cycle des Maîtres enlumineurs, Robert Jackson sait aussi écrire de très bonnes novellas comme Vigilance (Le Bélial, 2020), plongée dans la paranoïa américaine. A lire à ton réveil est une histoire plus ancrée dans le fantastique comme on va le voir.
Loin dans la forêt…
« Une forêt plus figée que ne l’est aucune forêt. La lumière grise de l’aube se déversant entre les arbres. Leurs troncs minces, lisses et gris. Le ciel, songeant à la neige et laissant échapper quelques flocons, juste pour voir ce qu’il en serait. Et, au centre du bois, magnifiques, quoique sombres et croulantes, des colonnes et les ruines d’une très, très vieille arche. »

James a quitté Londres et ses créanciers pour le continent, encore en pleine reconstruction après la fin de la seconde guerre mondiale. Il trouve refuge dans un petit hameau de Lorraine et écrit chaque jour à son amant, Laurence, atteint de tuberculose. Passionné d’histoire, James découvre en pleine forêt les ruines d’une abbaye pour laquelle il se prend de passion. Il entreprend alors de la fouiller tout en se renseignant sur le folklore local. L’abbaye remonte aux temps les plus anciens du christianisme, voire bien avant. On murmure que des dieux anciens reposent en son sein. James raconte à Laurence ses fouilles, sa fatigue (il se sent vieillir) puis ses discussions avec un drôle de marquis. James ne le sait pas mais il va peu à peu découvrir une magie ancienne qui va le changer…
Et Laurence ne lui répond pas.
Une histoire comme on aime
A lire à ton réveil est un bon tour que nous fait le magicien Bennett. Tout se raconte au moyen de lettres de James, sans les réponses de Laurence (on comprend pourquoi à la fin). Un James qui sombre peu à peu dans une espèce de quatrième dimension. C’est bien fait, bien construit et vertigineux. Le vertige, dans le fantastique comme dans la science-fiction, c’est important. Et le signe d’une indéniable réussite. A vous de lire A lire à ton réveil.
Sylvain Bonnet
Robert Jackson Bennett, A lire à ton réveil, traduit de l’anglais par Michelle Charrier, Le Bélial « Une heure lumière », illustration de couverture d’Aurélien Police, mai 2025, 128 pages, 11,90 €