Corps noirs et médecins blancs, un autre visage de la domination coloniale

Un sujet actuel

Enseignante à l’université d’Aix-Marseille, Delphine Peiretti-Courtis a choisi de s’interroger dans Corps noirs et médecins blancs, la fabrique du préjugé racial XIXe-XXe siècles sur la manière dont les médecins européens ont contribué au processus de racialisation des corps noirs africains et à la génération de stéréotypes encore présents aujourd’hui. Vaste entreprise ! on voit bien cependant, à travers certaines affaires récentes — pensons aux insultes lancées à certains footballeurs — que le problème existe. Sans compter que la période coloniale reste encore largement un impensé du débat historiographique français.

La justification médicale du système colonial

L’Afrique et sa population a fasciné les européens en général et les Français en particulier qui la parcouraient (je renvoie à l’ouvrage d’Olivier Grenouilleau, Quand les européens découvraient l’Afrique intérieure, paru chez Tallandier en 2017), y compris au niveau de l’apparence. L’africain apparaissait radicalement différent (contrairement aux populations maghrébines). La colonisation a renforcé des préjugés, surtout qu’il fallait justifier la domination exercée par les Français. Médecins et scientifiques, comme le montre Delphine Peiretti-Courtis, ont donc été appelés en renfort. Et les africains ont été étudiés, analysés, vus comme des êtres inférieurs, paresseux, indolents. On les loue parfois pour leur force physique mais on démontre, avec des arguments qui paraissent aujourd’hui très peu scientifiques, leur manque d’intelligence. Et puis on stigmatise leur hypersexualité…

Une médecine à deux visages

L’historienne montre aussi des médecins soucieux de lutter contre des maladies tropicales, comme la maladie du sommeil, ou la mortalité infantile. Le début du XXe siècle a vu la population baisser dans les colonies françaises et en haut lieu on a à cœur de sauver la main d’œuvre. Cela a le mérite de sauver des vies tout en maintenant une vision racialisée des populations. Alors qu’au XIXe siècle, on vantait la femme noire, maternelle et proche de ses enfants, on en fait une incapable en 1930. A côté de ces postures émerge aussi d’autres discours démontrant l’inanité des positions racialistes. La génétique démontre ainsi dans les années 1940-1960 que les africains ont 99,9 % de gènes communs avec les européens. L’idée de race perd vite du terrain après 1945 et les crimes nazis, même si des préjugés demeurent.

Corps noirs et médecins blancs de Delphine Peiretti-Courtis permet en tout cas de découvrir un pan trop longtemps resté dans l’ombre de notre histoire.  

Sylvain Bonnet

Delphine Peiretti-Courtis, Corps noirs et médecins blancs, la fabrique du préjugé racial XIXe-XXe siècles, La Découverte, mai 2021, 352 pages, 22 eur

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