Marcello & co, le roman du daron perché
Le narrateur de Marcello & Co singulier est un jeune homme sympathique, qui raconte à la première personne comment sa vie a changé lorsqu’il a découvert un étrange personnage, qui marchait comme lui dans les rues de la ville. De ce narrateur, on saura peu de choses, il vit de petits boulots, connait la drogue et son commerce, confesse qu’il est un peu paumé : « J’étais un garçon légèrement bancal, gentiment tordu, un peu perdu sur les bords, mais j’avais appris à danser comme çà, à m’adapter, à observer. Les pas de côté, c’était mon truc… ». On saura aussi que son logement était modeste, ce qui nous vaut cette jolie description : « J’habitais un vieil immeuble, qui avait dû avoir du style. Il se situait entre la gare et le centre-ville, entre les pauvres et les riches, le caniveau et le ciel. […] Et les mamies dans les étages, retraitées perchées sur le banc de touche, à l’écart de la course ».
Et puis, il y a Marcello, mi-Mastroianni, mi-capitaine Haddock, ombre errante sur les trottoirs, portant des crevettes dans un cabas ; un drôle de bonhomme dont l’intrigante silhouette invite à le suivre, pour en savoir plus. C’est ce que fait notre garçon, découvrant derrière les hauts murs d’une vaste propriété, que Marcello est à la fois clochard et chatelain, qu’il se livre à des expériences scientifiques bizarres, et nourrit des animaux inconnus. Encore pour le savoir, fallait-il pouvoir entrer dans ce laboratoire et son parc, soigneusement fermés. Ce qui ne fut donc possible qu’au prix d’acrobatiques contorsions.
Ô capitaine !
A partir de là, le récit s’emballe, et Thomas Vinau ne manque pas de talent pour nous amener sur des rives qui touchent à la fois au rêve et à la réalité. Marcello devient ce « capitaine de navire spatial que je rencontrais dans la grande boucle interstellaire de l’existence, juste pour me rendre compte à quel point ma vie était mal partie ». Le narrateur, son copain Charles et son amie Mona tissent alors les fils d’une nouvelle existence, autour d’un Marcello de plus en plus énigmatique. Ce sont seulement ces quatre personnages qui habitent le livre, mais cela suffit pour démontrer qu’il en suffit d’un pour donner aux autres l’envie de changer de vie. Autant dire que ça finit bien.
Poète provincial vivant dans les Luberon, Thomas Vinau signe avec Marcello & Co un roman très original, et montre un style par endroits éblouissant. Un heureux mélange de réalisme et de romantisme promène le lecteur, de descriptions savoureuses en anecdotes inattendues. Malgré quelques longueurs, on peut vraiment parler d’un bon bouquin.
Didier Ters
Thomas Vinau, Marcello & Co, Gallimard “Sygne”, mars 2022, 230 pages, 19 euros