Une flèche dans la tête, le blues migraineux de Michel Embareck
Grand amateur de musique, Michel Embareck s’engage avec Une Flèche dans la tête sur la route 61, la mythique route du blues. Sur les pas de Robert Johnson, le génial guitariste qui aurait passé un pacte avec le diable en personne. Cette enquête sur ce musicien hors pair est aussi l’histoire d’une famille qui se retrouve. Sur les pas de tous ceux qui furent influencé par cette musique si puissance et simple à la fois. Sur cette musique, un père renoue avec sa fille.
Un père et sa fille
Maintenant qu’il est retraité, il va sans doute pouvoir réaliser son rêve de se faire la route du Blues, la mythique, aussi bien que l’autre, la 66. De Chicago à la Louisiane, le roman est un guide des curiosités touristiques de chaque patelin qui s’attribue le mérite d’être à l’origine du blues, d’avoir eu telle légende à dormir, à manger, venue jouer ou mourir. L’humour du romancier vient percuter cette réalité où le mythe côtoie les attrapes-touristes…
Pourquoi avoir attendu si longtemps ? pourquoi son métier de policier attaché à la « surveillance » de la presse, une manière d’espion, est-il encore si prégnant et semble-t-il être aussi un des moteurs de ce voyage ?
Les deux voix, les deux points de vue, le père et la fille, alternent pour former une image complète de ce voyage. Chacun est parti avec son histoire, cette part du passé qui ne leur est pas commun. Chacun s’est engagé avec une ambition, des espérances. Mais leur chemin vont-ils finir par coïncider ? Son passé à lui, si fort, va-t-il laisser un peu de place à son avenir à elle ?
Malgré tout des zones d’ombres demeurent, comme cette étrange mission du père, lié à un passé soviétique, et les amours de la fille, dont l’origine est douloureuses. Mais qu’importe, ces ombres sont une partie importante du récit et lui donne cette vérité que la langue même de Michel Embareck parvient à traduire. Ses mots qui entrechoquent le récit neutre par quelques crudités du langage parlé forment un ensemble vivant.
Le mouvement n’offre finalement qu’une illusion. »
Un style de conteur qui se développe comme une grille de blues, trois accords simples, mais où le son percute. Et chaque chapitre qui a pour titre un morceau de blues est une invite à l’écoute.
Quant à la migraine, commune à l’auteur et au narrateur, si elle est invalidante, rompant les progrès dans les relations entre le père et la fille, c’est pour donner à la défaite une chance d’aboutir. C’est pour Michel Embareck la possibilité de ne pas réussir, c’est-à-dire de ne pas achever son propre parcours. De garder pour lui, pour ainsi dire, quelques étapes encore de ce voyage dont la vérité n’aura pas été totalement épuisée. D’être, au sortir du mal, un peu seul avec lui-même.
Une Flèche dans la tête en si peu de pages donne tant !
Loïc Di Stefano
Michel Embareck, Une Flèche dans la tête, Joëlle Losfeld éditions, avril 2019, 113 pages, 13 eur