Le carré des indigents d’Hugues Pagan, la mélancolie du flic solitaire
Prof, flic et écrivain
Ancien prof de philo, ancien flic, Hugues Pagan est un cas dans le monde du polar français. Né en Algérie, il a publié son premier roman, La mort dans une voiture solitaire, en 1983 chez Fleuve noir. Il a continué de publier jusqu’en 1997, date de parution de Dernière station avant l’autoroute qui lui a valu le prix Mystère de la critique. Suit un silence de vingt ans, où Pagan devient scénariste pour la télévision. Il créée la série Police District et travaille sur la série Nicolas Le Floch, adaptée des romans de Jean-François Parot. On lui doit également le scénario d’un téléfilm passionnant, S.A.C des hommes de l’ombre. Pagan a un personnage fétiche, Schneider, qu’il tue à la fin de son premier roman. Mais Schneider le hante : il revient sur le personnage dès Vaines recherches puis avec Profil perdu en 2017 et Le Carré des indigents qui vient juste de sortir.
Retour à la maison
Fin 1973, Schneider rentre dans la ville qui l’a vu grandir après un passage à Paris. Lunettes noires vissées sur le nez, Schneider porte beau mais est froid, direct, taciturne. Sans affect. On le nomme patron du groupe criminel, on lui confie une affaire : la disparition d’une jeune fille, Betty. Une innocente. Son père est convaincu qu’elle est morte, Schneider le pressent. Et son corps est bientôt retrouvé. Schneider s’empare de l’affaire, comme s’il avait fait une promesse. Schneider est hanté par son passé durant la guerre d’Algérie. Là-bas, il avait rencontré une fille, une arabe belle comme une andalouse :
Schneider se rappela brusquement sa jeune amoureuse d’Alger, celle qui en attendait tant de la vie, celle qu’il aurait sans doute fini par épouser, si les choses et les êtres n’en avaient pas décidé autrement. Il l’avait souvent serrée contre lui, mais il n’avait jamais vu la jeune femme entièrement nue. La seule et unique fois qu’il l’avait vue, c’était sur la table de la morgue.
Schneider va se démener pour trouver le meurtrier. Quitte à bien remuer la merde et à bousculer les collègues avinés. Et puis le père a besoin de savoir. Au final, Schneider réussira à résoudre l’affaire mais d’autres ombres s’ajouteront au final à ses fantômes…
L’excellence selon Pagan
Difficile de résumer un roman aussi taiseux que son personnage principal. On peut dire que la fin du livre laisse un goût amer dans la bouche, amer comme le souvenir des espoirs qu’à un moment nous avons tous eus. Et que la vie a brisé. Le Carré des indigents est un grand roman noir, ancré dans une époque, les années 70, dont nous sommes pour une part les héritiers. On en voudrait d’autres des calibrés comme ça…
Lisez Le Carré des indigents et pleurez : ça fait du bien, ça permet d’évacuer le trop plein de noirceur engendré par ce monde.
Sylvain Bonnet
Hugues Pagan, Le Carré des indigents, préface de Michel Embareck, Rivages, janvier 2022, 448 pages, 20,50 eur