Vivian Maier, une femme en contre-jour


Gaëlle Josse s’est attachée, dans Une femme en contre-jour, à redonner vie à une artiste peu connue, mais surtout très longtemps inconnue, dont le travail a été mis au jour il y a quelques années seulement. Il s’agit de Vivian Maier, photographe franco-américaine, morte à Chicago dans un dénuement et un anonymat total, à l’âge de 83 ans. C’était au printemps 2009, il y a juste dix ans. 

Vivian Maier est née à New York d’une mère française et d’un père autrichien. Sa famille est typique de celles de milliers d’émigrés européens, ayant fui le chômage, la pauvreté ou la guerre, et venus s’installer aux Etats Unis, une terre promise pour eux. De là à y trouver le paradis, il y a loin, et la mère de Vivian revient en France avec sa fille, dans ses Alpes natales, où la vie n’est pas plus facile. Bref la petite fille est ballotée entre deux pays, deux grands-mères et des parents désunis. 

Stagiaire chez une photographe américaine, elle apprend ce métier, s’initie aux prises de vue, mais elle a vingt ans, c’est la guerre, et elle se retrouve très seule. Elle devient gouvernante dans une famille qui la recueille en échange des bons soins qu’elle prodigue aux trois fils de la maison, ce qu’ils n’oublieront jamais et l’accompagneront jusqu’à la mort. Dès lors, Vivian Maier mène de front sa vie de nurse plus ou moins intermittente, sa vie de photographe, et d’inlassable portraitiste, et sa vie d’aventurière, voyageant en Asie et en Europe, au grès de ses envies, de ses caprices, et malgré son manque d’argent permanent. 

Rendons grâce à Gaëlle Josse d’avoir tisser les fils épars d’une vie incroyable, et d’avoir retrouver une personnalité hots norme, parmi des milliers de photos (certaines admirables), des témoignages et des lettres. Par bonheur, le fonds photographique a pu être sauvé, en 2007, lors d’une vente aux enchères, et un trésor inestimable fut alors révélé, au sens photographique du terme. Car Vivian Maier n’a jamais eu assez d’argent pour faire développer et tirer ses innombrables pellicules. On commence seulement aujourd’hui  à découvrir et à montrer une œuvre qui s’apparente à celles de ses contemporains, Doisneau, Brassaï, Ronis ou Cartier-Bresson. 

En dépit d’un cliché facile, on pourra dire que sa vie fut un roman. Ce roman est ici fort bien conduit, sans jamais sombrer dans la lourde thèse historique, ni l’hommage trop appuyé.  Il permet enfin de découvrir une femme qui mérite vraiment de l’être. 

Didier Ters

Gaëlle Josse, Une femme en contre-jour, Editions Notabilia, mars 2019, 150 pages, 14 eur

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