Le Marais, œuvres de Yoshiharu Tsuge, 1965 – 1966

Janvier 2020 était une grande date pour tous les passionnés du grand Tsuge mais uniquement s’ils ont eu la chance de passer au Festival International de la BD d’Angoulême. Le FIBD, en association avec Cornélius qui édite depuis quelques années les ouvrages de Tsuge, a dévoilé une rétrospective sur l’œuvre de Tsuge. Certains chanceux ont même pu le croiser puisqu’il a fait le déplacement du Japon.

Nous avions parlé des Fleurs rouges qui présentaient ses œuvres de 1967 & 1968. Cette fois-ci le recueil Le Marais correspond à ses histoires de 1965 & 1966. A cette époque les dessins de Tsuge étaient édités dans le magazine japonais Garo.

Je ne comprends toujours pas… Aucun des ninjas de Nobunaga ne m’a jamais touché, et il finit par m’envoyer une femme… Il se moque de moi.

Ce recueil d’histoires sélectionnées évoque de nombreux thèmes, de nombreuses séquences de vie. L’amitié et la fraternité, mais aussi la critique de la société, la solitude et la violence des comportements.

« Le Marais » nous compte les péripéties d’un chasseur qui rencontre dans un marais une jeune femme. Cette dernière au regard hypnotique l’invite chez elle pour passer la soirée, elle qui broie du noir. Devant cette docile et généreuse invitation il succombe. Mais il sera vite confronté à une énigme, elle vit avec un serpent dans une cage à oiseau et elle aime le savoir autour de son cou quand elle dort « il m’étrangle, c’est agréable à mourir… »

« Une mystérieuse lettre » dévoile à sa destinataire que la dépouille de sa mère est en fait mélangée avec un autre corps, elle va donc maintenant fleurir deux tombes.

« Menotté » est l’histoire d’une course poursuite entre un brigand et un policier. Ce dernier arrive à l’attraper loin de tout et les conditions climatiques l’entraine à se réfugier dans une ancienne mine. Il laisse le voleur menotté sans possibilité de se libérer. Le policier part chercher de l’aide et en chemin tombe dans un éboulis, il est retrouvé inanimé et amnésique…

La puissance narrative de l’artiste

Onze histoires qui renferment un condensé de la puissance narrative de l’artiste, il apportait un soin attentif à un scénario efficace, des histoires souvent dramatiques racontées en quelques rapides pages.

Oui, les histoires ironiques font mouche, celles dramatiques nous font froid dans le dos. Telle cette histoire qui nous fait grincer les dents. Ce chercheur de dents en or restées dans le four de crémation qui ne va pas s’en sortir vivant !

Le contraste le plus insolite est celui entre le dessin des figures de personnages et celui des intérieurs ou extérieurs. Les hommes, femmes et enfants dessinés ont des visages très schématiques, mais non dénués d’expressions. Un trait pour la bouche ou les sourcils, un rond pour le nez ou encore un rond noir pour les yeux. Le plus simple appareil pour mettre en évidence l’histoire mais aussi le décorum.

A contrario, les maisons et les paysages sont d’une finesse sans égal. La finesse des traits et des détails nous laisse penser des heures de travail devant certaines planches ou bulles à une époque ou photoshop n’existait pas. Des traits, des hachurés à l’encre de chine font notre bonheur pour les amateurs du noir, cette couleur incomparable !

Xavier de la Verrie

Yoshiharu Tsuge, Le Marais, Cornélius, « Pierre », janvier 2020, 248 pages, 25,50 eur



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