Le dernier debout de Youssef Daoudi & Adrian Matjeka: l’affrontement

Un mythe afro-américain

On connaît peu en France la figure de Jack Johnson, premier boxeur noir à devenir champion du monde des poids lourds en battant Tommy Burns puis surtout James J. Jeffries en 1910. Un film lui fut consacré au début des années 1910, occasion pour Miles Davis de signer une bande originale complètement réussie, avec John McLaughlin aux guitares. Le dessinateur Youssef Daoudi, à qui on doit Monk, s’associe ici à Adrian Matejka, poète afro-américain, pour raconter l’histoire de ce combat et la vie de Jack Johnson.

Un combat de titans

Nous sommes donc le 4 juillet 1910 à Reno dans le Nevada. Jack Johnson affronte Jim Jeffries, en présence de l’ancien champion Jim Corbett (interprété par Errol Flynn dans Gentleman Jim de Raoul Walsh). Johnson doit faire face aux insultes racistes d’une foule chauffée à blanc par ce combat contre nature, un blanc contre un noir. Invaincu, Jeffries a accepté de sortir de sa retraite, de s’entraîner et de perdre 45 kilos pour affronter Johnson. Ce dernier se rappelle sa vie, ses parents nés esclaves, son enfance, ses premiers combats, son amour pour Etta, une femme blanche. On le voit aussi vingt ans plus tard sur une scène mimant son combat face à un public blasé. En 1910, au 15e round, Il bat Jeffries, entre dans l’histoire. Sa victoire est celle d’un américain noir et fier, un défi à un pays profondément raciste…

Un roman graphique de premier ordre

Cet album de plus de trois cent pages est plein d’ambition. Saluons en tout cas la structure et le découpage, inspiré parfois de Will Eisner et de Frank Miller (particulièrement l’utilisation du noir et du blanc). Les flashbacks et l’utilisation des poèmes de Matejka sont ici très bons. La représentation de la boxe séduit, autant combat que scène de théâtre. Johnson harangue, provoque Jeffries, un peu comme Mohammed Ali face à Foreman à Kinshasa en 1974 (voyez le fabuleux documentaire When We Were Kings de Leon Gast).

Alors laissez-vous embarquer dans cette aventure au cœur d’une Amérique pas si lointaine. Et c’est aussi l’occasion de vous replonger dans un fantastique album de Miles Davis.

Sylvain Bonnet

Youssef Daoudi & Adrian Matjeka, Le dernier debout, traduit de l’anglais par Sidonie Van den Dries Futuropolis, avril 2024, 320 pages, 30 euros

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