Décoloniser les provinces, Onfray politique

Sous-titré « Contribution à toutes les présidentielles », Décoloniser les provinces est le programme politique de Michel Onfray. Non pas qu’il ait songé à se présenter, même s’il a été invité à le faire, mais c’est le programme idéal pour qui voudrait défendre cette idée d’une France souveraine, grande, noble, et fière d’elle-même.

Décoloniser ?

Être colonisé, c’est subir chez soi la règle d’un autre. Il faut donc qu’il y ai une frontière définie entre les deux, et une puissance extérieure qui s’exerce et soit ressentie comme invasive. Pour Michel Onfray, les Jacobins ont volé les fruits de la Révolution française, vite transformée en nouvelle tyrannie centralisée, alors que les Girondins se battaient pour que Paris soit une parmi les 83 régions, chacune autonome mais toutes réunies en fédération, sur le modèle suisse. Les Girondins, comme la Suisse d’ailleurs, seront écrasés par la Terreur. Et le modèle centralisateur, initié par les rois de France, sera poursuivi par la Révolution jusqu’aux actuels Président d’une République française qui n’est plus le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » selon la belle formule d’Abraham Lincoln (1).

Il faut donc admettre en préalable que le modèle français n’est pas juste parce qu’il méprise le peuple — des ploucs —, et les provinces où il vit, pour favoriser en tout la capitale et les « techno » qui ne sont pas élus mais décident du quotidien de gens dont ils ignorent tout en appliquant des critères et des normes qui nuisent au bienêtre des locaux. Voire qui veulent leur nuire, pour élargir les marchés, obtenir plus de profit, répondre aux exigences hors sol d’un état supérieur, l’Europe.

Quelle alternative ?

La Nation est une idée ; la commune, une réalité. »

Héritier d’une tradition de penseurs qui va de Jean Meslier à Joseph Proudhon, Onfray met la commune au centre de sa réflexion. Et la commune comme lieu de l’autodétermination. Le peuple est-il trop bête pour réussir seul, sans intellectuels germanopratins et les énarques ? Michel Onfray donne l’exemple des LIP, ouvriers de l’industrie de la montre qui se sont mis en grève, en autogestion et ont continué à produire en ayant une meilleure rentabilité que sous mandat patronal. L’aventure a été saluée par la population mais a été sacrifié par les politiques et les intellectuels de la gauche prolétarienne arrimés à un modèle centralisateur. Pourtant, cela fonctionnait !

Pour le moment, élection après élection, le prototype maastrichtien s’impose de plus en plus contre l’idée de nation même. Il faudrait un soubresaut colossal pour que la province redevienne un enjeu central, même si elle s’avère au quotidien de plus en plus évidente, car plus l’homme est noyé dans une immensité égale, perdu dans l’indifférencié, plus il se raccroche à ce qui le définit, son petit village ou son arbre aussi bien que ses racines. Les Jacobins libéraux luttent pour créer un homme déraciné, donc maniable, et pour Michel Onfray seul un projet fondamentalement ancré dans le terroir pourrait sauver l’homme d’une chute irrémédiable dans le tout-marchandise.

La politique ne doit plus être l’affaire de quelques-uns qui décident pour tous, mais l’affaire de chacun décidant de son destin avec tous. C’est par la fraternité que la liberté, qu’aime tant la droite dans l’égalité, et l’égalité, qu’aime tant la gauche sa la liberté, prennent tout leur sens.

Michel Onfray est un social libertaire, qui se laisse emporter parfois par son lyrisme. Décoloniser les provinces est la solution qu’il propose pour rendre au peuple sa libre détermination. Mais de nos jours ce communalisme n’est-il pas autre chose qu’une utopie ? En tout cas, il ferait bon y vivre…

Loïc Di Stefano

Michel Onfray, Décoloniser les provinces, J’ai lu, mars 2018, 160 pages, 6 euros

(1) Discours de Gettysburg, 19 novembre 1863.

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