10 000 façons de mourir, un panorama du western italien

Variante d’un des genres majeurs et fondateurs du cinéma, le western spaghetti continue d’influencer le septième art contemporain via des cinéastes comme Quentin Tarantino, même si ce dernier en a trahi en partie l’héritage (mais c’est une autre histoire). Iconoclaste voire surréaliste, le western spaghetti peut faire sourire, déranger ou agacer mais ne laisse en aucun cas indifférent si bien qu’un large public retient bien plus son empreinte, à tort malheureusement, que celle du western classique américain. Irrévérencieux, amoral, violent, le western spaghetti tient autant du « chambara » japonais que de l’émergence d’une nouvelle forme de pop culture selon Alex Cox. Fait d’autant plus surprenant quand ont connaît l’admiration de Sergio Leone pour le western classique américain, John Ford…

Cinéaste britannique quelque peu oublié avec le temps, Alex Cox appartient à la catégorie des réalisateurs cinéphiles véritables à l’image de Martin Scorsese ou encore de Bertrand Tavernier. Dans plusieurs entretiens, il a  raconté sa propre expérience avec le western spaghetti, sa découverte en plein cœur des années soixante et son exil en France pour pouvoir apprécier pleinement les extravagances trop souvent censurées de Sergio Leone ou de Sergio Corbucci dans sa Grande-Bretagne natale.

10 000 façons de mourir ne rend pas seulement hommage au western spaghetti, il s’impose comme un vaste référencement encyclopédique de la plupart des films qui ont marqué le genre pendant plus de dix ans. Mais c’est aussi une analyse lucide des différents travaux des uns et des autres, n’hésitant pas à égratigner tel ou tel film ou au contraire à remettre à l’honneur une pépite injustement négligée.

Dans son entreprise gargantuesque, Alex Cox revient évidemment sur les deux grandes icônes du western spaghetti, à savoir Sergio Leone et Sergio Corbucci, influencés à tout jamais par un certain Akira Kurosawa et son Yojimbó. On retrouve également foule de détails sur les conditions de tournage, un regard critique doux-amer sur l’ensemble de la production, pas seulement sur celle des deux maîtres mais également de Damiano Damiani ou encore de Lucio Fulci (bien avant sa période « Giallo »). Cox n’oublie pas également la prépondérance du génial Ennio Morricone ou encore de scénaristes « guests stars » comme Franco Solinas. Enfin, l’auteur revient sur les acteurs incontournables qui ont illustré le genre : Clint Eastwood évidemment, Lee Van Cleef, Franco Nero ou encore Gian Maria Volonté.

Le lecteur néophyte ou initié appréciera la multitude d’anecdotes et le travail de fourmi exécuté par Alex Cox. Cependant, ses jugements à l’emporte pièce peuvent désarçonner le plus averti des cinéphiles (Clint Eastwood, un réalisateur sans imagination capable juste de mimer Leone et Siegel, voilà un constat fort singulier…qui n’engage que lui). Mais, malgré ces anicroches que l’on pardonnera volontiers, on se plaira à se plonger dans cet univers singulier, dépeint de façon magistrale par un véritable amoureux du cinéma.

François Verstraete

Alex Cox, 10 000 façons de mourir, éditions Carlotta, 622 pages, novembre 2021, 50 eur

Laisser un commentaire