Aquaman et le Royaume perdu, le pavillon DC coule à pic

Afin de venger son père, Black Manta pactise avec des forces occultes et s’empare du Trident Noir. Aquaman va devoir renouer avec son frère Orm s’il veut contrecarrer les plans de sa Némésis, empêcher la destruction d’Atlantis et sauver sa famille du danger.

L’année cinématographique 2023 va-t-elle s’achever avec un nouveau désastre au box-office pour les super-héros américains ? Difficile à prédire, mais après les échecs en salle essuyés par Ant-Man et La Guêpe : Quantumania, The Flash, Shazam! La Rage des Dieux, Blue Beetle et The Marvels, celui d’Aquaman et le Royaume perdu semble inéluctable selon les prévisions américaines. Quoi qu’il advienne, une énième gestation chaotique et une campagne de promotion timide n’augurent rien de bon pour le long-métrage.

Par ailleurs, il est légitime d’émettre des doutes concernant sa valeur intrinsèque, tant le genre nous a gratifiés de quelques navets insupportables (seul le superbe Spider-Man : Across the Spider-Verse a sauvé l’honneur) ces dernières années. Nouveau patron du DC Universe, James Gunn a déclaré que le manque de cohérence avait nui à la franchise. Voilà pourquoi Aquaman et le Royaume perdu clôturera définitivement la parenthèse Zack Snyder au profit d’un reboot qui sera amorcé par une énième version de Superman. Dans tous les cas, si l’analyse du metteur en scène des Gardiens de la Galaxie recèle une part de vérité, elle écarte néanmoins un problème devenu flagrant au fil du temps pour les surhommes sur grand écran.

Y a-t-il encore un cinéaste à la barre ?

Depuis la première adaptation de Superman, les studios ont souvent confié le destin du genre entre les mains de réalisateurs prometteurs ou prêts à passer à un cap supérieur. Ainsi, Richard Donner, Tim Burton, Bryan Singer, Sam Raimi et Christopher Nolan ont permis au super-héros américain de prendre son envol, bien que quelques anicroches l’ont fait vaciller par moments (Supergirl, Batman et Robin, Catwoman ou Daredevil). Néanmoins, on se souvient davantage des succès pour cette ère et jusqu’au lancement du MCU, le système a fonctionné. Point d’orgue, l’Avengers de Joss Whedon, produit savamment pensé qui a entériné le triomphe des Captain America, Iron Man ou Batman au cinéma.

Mais la réussite n’est pas toujours bonne conseillère puisqu’en sus de décliner une formule identique jusqu’à l’overdose, en démultipliant les sorties, Disney et Warner ont accru leur emprise sur les metteurs en scène. Par conséquent, moins de liberté, moins de créativité et une tendance à la standardisation confirmée par le retour terne de Sam Raimi aux affaires avec Doctor Strange and the Multiverse of Madness. Qui plus est, le choix des artistes derrière la caméra s’est avéré de moins en moins pertinent. Les pontes ont requis les services d’incompétents notoires ou de réalisateurs au talent fort limité, ce qui explique aussi la baisse progressive de qualité et l’état de déliquescence connu par le genre aujourd’hui. Or, parmi ces piètres artisans, on retrouve un certain James Wan, aux commandes justement d’Aquaman et le Royaume perdu.

Discours anarchique…

Intronisé maître de l’horreur en initiant d’abord la saga Saw puis celle d’Insidious, James Wan a ensuite officié pour la pathétique licence Fast & Furious. Et si son pedigree ne plaide pas en faveur des cinéphiles, il plaît au moins à un public plus large. Voilà pourquoi Warner l’avait employé pour diriger le premier volet des aventures de Jason Momoa. Cet opus avait remporté un véritable triomphe populaire et engrangé plus d’un milliard de dollars de recettes. En outre, il dégageait une certaine sympathie en dépit de l’attitude grotesque de son interprète et du très mince scénario qui le structurait. En revanche, sa suite ne devrait pas contenter les admirateurs de son aîné, tant James Wan enclenche le pilotage automatique en s’appuyant sur les bases fragiles de Fast & Furious pour soutenir ses thématiques et sa mise en scène.

Le mot famille est répété ad nauseam et même les moins attentifs discerneront le message bien ostentatoire diffusé par le long-métrage. N’attendez pas toutefois un traitement digne de ce nom, notamment lors des rapports conflictuels entre Aquaman et son frère. James Wan préfère alimenter son film avec une gorgée de bons sentiments tandis que les valeurs des protagonistes dégoulinent à chaque réplique. Aussi fine que le personnage principal, cette approche exaspère, mais le calvaire ne s’arrête pas là, il débute à peine. Le discours écologique se noie dans une allégorie pataude sur le réchauffement climatique, mais témoigne au moins d’une chose : James Wan appartient à cette caste de réalisateurs surévalués, incapables de mettre en scène correctement, mais juste utiles pour se pavaner avec des plans superfétatoires.

et déchéance visuelle

Le prologue en atteste et confirme la volonté du metteur en scène d’apposer les éléments ridicules de Fast & Furious au long-métrage (enfonçant de fait davantage l’entreprise et le naufrage de DC). Bière à la main, les protagonistes se vautrent avec complaisance dans un humour crasse, à peine digne d’un niveau de maternelle (ah, le nourrisson qui urine droit sur son père, quel instant subtil, ou le cafard en guise de friandise). Durant cette introduction James Wan annonce avec fierté la couleur, Aquaman et le Royaume perdu naviguera en eaux troubles et grillera quelques neurones sur son passage.

La succession frénétique de séquences même pas épiques et mal orchestrées dessert la narration alors que l’aspect visuel, travaillé à minima à l’occasion de l’épisode précédent, se dilue dans ses références sans parvenir à une réelle cohésion. Ainsi, Aquaman et le Royaume perdu cherche son identité et s’égare en route, entre recyclage (encore le désert), clins d’œil trop appuyés à Star Wars avec une Cantina de Mos Eisley sous marine peu inspirée ou une incursion dans une jungle monstrueuse qui ferait honte à l’île de King Kong. Même Jason Momoa n’y croît plus et le reste de la distribution répond à l’appel uniquement pour percevoir ses émoluments sans faire de vagues.

L’Atlante peut donc retourner dans son palais et s’y terrer, à l’instar de ses producteurs et de son réalisateur. Et on s’interroge désormais sur la capacité de Warner à extirper DC de ce mauvais pas. Il ne faut pas oublier que de nombreux aspects du cinéma de James Gunn se corrèlent avec ceux inclus dans cet Aquaman et le Royaume perdu. Bien entendu, cela ne présage rien de bon pour le futur Superman. Mais le ridicule ne tue pas… sauf qu’il pourrait bel et bien achever la franchise !

François Verstraete

Film américain de James Wan avec Jason Momoa, Amber Heard, Patrick Wilson. Durée 2h04. Sortie le 20 décembre 2023.

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