L’agonie d’une république, la tragédie de Rome

Historien et éditeur de la Rome antique

Directeur de la collection « Realia » aux Belles lettres, Jean-Noël Robert s’est fait connaître comme l’auteur de Les Romains et la mode (Les Belles lettres, 2011) ou de Rome à la Chine (Les Belles lettres, 1993). On lui doit aussi une biographie de l’ennemi le plus acharné de César, Caton d’Utique (Les Belles lettres, 2002). Il signe ici un ouvrage, L’Agonie d’une République, dans la collection qu’il dirige, à la fois synthèse sur le dernier siècle de la République romaine et essai sur les causes de sa chute.

Un enchaînement de circonstances

La République romaine fut autant un système politique que culturel, fondé sur des valeurs que la Nobilitas romaine défendait génération après génération. La conquête de la méditerranée et la victoire sur Carthage et les empires hellénistiques ont profondément modifié les équilibres en Italie. Notre historien s’intéresse à la période qui s’ouvre avec les Gracques en 133 avant J.C et ne peut que constater la montée des violences dans la ville de Rome, qui deviennent des instruments de régulation des conflits.

Avec acuité, Jean-Noël Robert démontre que les seuls moments de stabilité sont les dictatures de Sylla et de César qui, avec les proscriptions, mettent fin à la liberté des romains. Mais de quelle liberté parle-t-on ?

Des mots et de leur sens

Les républiques, comme les civilisations, peuvent mourir. La Rome antique n’était pas une démocratie, pas au sens où nous l’entendons. Le système de vote par tribus avantageait les plus riches et ce sont les grandes familles, tant patriciennes que plébéiennes, qui dominent la vie politique. Dans leur sein se constituent deux camps, les Optimates et les Populares. Les premiers veulent le maintien du système oligarchique et les seconds veulent davantage impliquer le peuple et sont favorables à des réformes agraires.

La Libertas romaine est celle des grands nobles mais le peuple romain n’en a que faire tellement survivre dans la mégapole antique les accapare (la description qu’en donne Robert est saisissante). L’auteur excelle dans son récit à peindre les portraits de César, Catilina ou Brutus (possible fils de César et neveu de Caton d’Utique). On aurait cependant préféré en introduction de ce qu’était la Libertas romaine, qu’on traduit imparfaitement par « Liberté », afin d’éviter quelques confusions sémantiques.

La conquête changea Rome

Rome, au final, comme le rappelle et l’analyse l’auteur, a été déstabilisé par sa conquête du monde méditerranéen. César et surtout Auguste ont créé le principat, c’est-à-dire une monarchie, pour gouverner Rome et son Empire, au prix de la fin de l’ancienne République, maintenue en apparence mais vidée de son sens. Edifiant si on songe que la culture politique romaine s’était bâtie sur le rejet de la royauté.

L’Agonie de la République, malgré quelques manques, est un ouvrage stimulant.

Sylvain Bonnet

Jean-Noël Robert, L’Agonie d’une république, Les Belles lettres, « Realia », mars 2019, 348 pages, 23,90 eur

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