L’impensable défaite, le traumatisme allemand

Spécialiste de Jeanne d’arc et de la première guerre mondiale

 Professeur émérite à l’université de Düsseldorf, Gerd Krumeich a beaucoup travaillé sur les représentations de Jeanne d’arc dans l’histoire et a été membre du conseil scientifique du projet d’historial de la Grande Guerre à Péronne avec notamment Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker. Il a notamment écrit Jeanne d’arc en vérité (Tallandier, 2012), Verdun avec Antoine Prost (Tallandier, 2016), Cicatrices. Paysage de guerre avec Stéphane Audoin-Rouzeau (Tallandier, 2008). Il a choisi ici de donner un essai sur le traumatisme de la Grande Guerre en Allemagne, L’Impensable défaite. 

La coupure entre l’arrière et le front 

Gerd Krumeich insiste sur la singularité de l’expérience allemande : les soldats du Reich combattent essentiellement à l’extérieur de leur pays, contrairement aux soldats français. La société allemande a donc un rapport moins direct que la société française à la guerre. De plus, le commandement militaire acquiert une telle indépendance sur le pouvoir civil qu’il finit par dicter pendant longtemps sa conduite au gouvernement : il n’y a pas de Clemenceau en Allemagne.

Lorsqu’il apparaît à l’été 1918 que les alliés ont tenu et ont acquis une supériorité matérielle qui leur assure la victoire, Ludendorff redonne aux « civils » le pouvoir en leur « indiquant » la nécessité de conclure la paix. L’opinion allemande, éprouvée par les restrictions alimentaires, n’était en tout cas pas préparée à ça. C’est une des raisons du mythe du « coup de poignard dans le dos » que vont exploiter les nazis. Et puis les grèves de 1918 laissent entendre que l’extrême-gauche et la gauche voulaient la défaite… 

Une république mal à l’aise les anciens combattants 

Née de la défaite, la République de Weimar a au début vivre dans une illusion : devenue une démocratie, l’Allemagne va pouvoir négocier une paix de compromis avec les alliés. Tragique erreur. Weimar endosse la défaite impériale et aussi le crime de la responsabilité allemande dans le déclenchement du conflit. Désarmée suite à l’armistice, l’armée allemande a vu une partie de ses soldats déserter à l’automne 1918 et ne pourra reprendre le combat.

L’Allemagne signe donc le traité de Versailles et doit en supporter les conséquences. Elle doit aussi vivre avec les anciens combattants dont on ne sait que faire. Leurs sacrifices ont été vains. Ici, contrairement à la France, l’Etat ne construit que peu de monuments aux morts, financés par des associations d’anciens combattants rapidement noyautées par l’extrême-droite « volkisch ».  

Voilà un essai enrichissant sur les suites de la Grande Guerre.   

Sylvain Bonnet 

Gerd Krumeich, L’Impensable défaite, traduit de l’allemand par Josie Mély, Belin, septembre 2019, 324 pages, 24 eur

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