Paul Ier, la tragédie d’un tsar

De la méditerranée à la Russie 

Spécialiste des États méditerranéens comme les républiques de Gênes, Venise, Malte et Chypre aussi ainsi que de l’ordre de saint Jean de Jérusalem, on connaît Alain Blondy comme auteur d’une Nouvelle histoire des idées. Du sacré au politique (Perrin, 2016) et du monde méditerranéen 15 000 ans d’histoire (Perrin, 2018). La spécialisation d’Alain Blondy l’a amené à s’intéresser à écrire sur Paul Ier, fils de Catherine II et tsar maudit, qui à un moment s’était autoproclamé grand maître de l’ordre de Malte, à la suite notamment d’Henri Troyat. 

Un prince méprisé 

On découvre vite avec ce livre d’Alain Blondy que le futur Paul Ier n’a pas grandi dans une atmosphère sereine. Il est le fils de Catherine II et de Pierre III, officiellement, car officieusement, son père serait un des nombreux amants de sa mère, vraisemblablement Serge Saltykov, parent des Romanov. Toujours est-il que Catherine se débarrasse de son mari et règne pleinement, entouré de ses favoris et amants. Quant à son fils, elle s’en occupe peu et le jeune Paul grandit sans l’affection de sa mère. Il est même un potentiel danger pour elle. Catherine donc l’éloigne, le fait surveiller. Puis elle le rabaisse constamment.

Petit et laid, Paul est marié une première fois avec Wilhelmina de Hesse-Darmstadt qui meurt en couches. Son deuil est sincère jusqu’à ce que sa mère lui révèle qu’elle était enceinte d’un autre ! humilié, blessé par la révélation de cette infidélité, Paul est remarié avec une autre princesse allemande, Sophie-Dorothée de Wurtemberg. Le mariage est beaucoup plus heureux mais Catherine leur enlève leurs deux premiers fils, Alexandre et Constantin, pour s’occuper de leur éducation. Elle envisage même de léguer l’empire directement au premier de ses petits-fils, Alexandre. Avec une mère pareille… 

Un tsar fou ? 

Catherine n’aura pas le temps de concrétiser ses projets de succession : à sa mort, c’est bien Paul qui monte sur le trône. Il s’ingénie à rappeler certains proches de son père er exile les favoris de sa mère, récuse une partie de ses actes et décisions, cherche à améliorer la condition de ses sujets. Sur un plan plus personnel,  il fait enterrer ses parents Catherine II et Pierre III ensemble : belle vengeance !

Sur le plan extérieur, Paul Ier se rallie progressivement à la coalition contre la France Révolutionnaire, surtout quand celle-ci, sur la route de l’Egypte, s’empare de Malte. Rêvant d’être un chevalier, Paul Ier se fait le protecteur de l’ordre qu’il accueille en Russie. Bien qu’orthodoxe, il se met en tête de devenir le grand maître de cet ordre de chevaliers catholiques. Il envoie l’armée russe en Italie contre les français, avec des succès. Mais Paul Ier a l’impression (juste) de tirer les marrons du feu au profit de l’Autriche et de la Grande-Bretagne. Cette dernière puissance, après s’être emparée de Malte, ne la donnera d’ailleurs jamais aux russes. Paul Ier fait alors la paix avec la France et envisage même une alliance… Mais ce sont ses décisions fantasques sur le plan intérieur qui lui aliènent une partie de ses sujets et aboutissent à son assassinat dont son fils Alexandre, au courant de la conjuration, ne se remettra jamais.

Alain Blondy nous livre un portrait assez juste d’un souverain oublié mais qui joua un rôle tant dans l’histoire de l’Europe que dans celle de son pays. Quant à l’homme, soulignons qu’il fut la victime de sa mère… 

Sylvain Bonnet 

Alain Blondy, Paul Ier, Perrin, janvier 2020, 352 pages, 24 eur

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