Station Métropolis, direction Coruscant : cauchemars urbains

Confronter science et science-fiction 

Il y a deux ans, Roland Lehoucq a créé aux éditions Le Bélial la collection « Parallaxe » dédiée à des essais de scientifiques sur le genre SF. Ici, nous avons Alain Musset qui se penche sur la vision des villes dans le genre. Il a déjà travaillé sur le sujet avec De New York à Coruscant, essai de géo-fiction (PUF, 2005). Station Métropolis, direction Coruscant en reprend certaines hypothèses et s’inscrit aussi dans la lignée de travaux comme Au-delà de Blade Runner, Los Angeles et l’imagination du désastre de Mike Davis. 

Un thème central 

Dès le début de cet essai, on comprend que le phénomène urbain obsède les auteurs de science-fiction américains (mais pas seulement). La culture américaine véhicule une hostilité à la ville et une glorification originelle des campagnes et de la ruralité. Alain Musset renvoie avec justesse aux idées de Thomas Jefferson et au Walden de Thoreau.

C’est pourtant un allemand, Fritz Lang, qui inaugure avec Metropolis, film tourné en 1926, une esthétique et des thèmes qui vont hanter le genre. Déshumanisation, relégation des plus pauvres vus comme des inférieures, verticalité urbaine (l’élite au sommet des tours et les plus pauvres dans des taudis) : Metropolis est un film fondateur, dont Blade Runner de Ridley Scott reprendra une bonne partie de l’imagerie. A chaque fois la vision d’une ville monstre qui dévore ces enfants. Effet accru avec la surpopulation, comme dans Soleil Vert de Richard Fleischer, tiré de la vision des favelas brésiliens qui continue d’inspirer bien des auteurs, de littérature, de bande dessinée ou de cinéma. 

Planètes urbaines 

Mais il n’y a pas que cela dans cet essai. Il y a Coruscant, la planète-capitale de l’univers de Star Wars. Gigantesque monde urbain, où on retrouve l’idée de verticalité sociale, Coruscant descend directement de Trantor, la planète impériale de l’univers de Fondation d’Asimov. Ici pas d’espaces verts ou alors réservé à des VIP. La crasse est pour les pauvres, humains ou aliens. On voit très vite que la vision de la SF est très influencée par le marxisme, sans tomber dans le communisme : la SF est bien souvent anti-totalitaire, d’Orwell à Frederik Pohl ou Alejandro Jodorowsky (l’homme qui aurait dû réaliser Dune).

Voici un essai très stimulant. Il donne à réfléchir et énonce une vérité, sinon un fait : la science-fiction est un excellent lanceur d’alerte sur toutes les dérives possibles de notre civilisation ! 

Sylvain Bonnet 

Alain Musset, Station Métropolis, direction Coruscant, Le Bélial, « Parallaxe », couverture de Cédric Bucaille, octobre 2019, 272 pages, 16,90 eur

Laisser un commentaire