La révocation de l’édit de Nantes, la grande erreur de Louis XIV
Historien du protestantisme français
On peut dire sans exagérer que le protestantisme français à l’époque moderne constitue le cœur de la vie académique de Philippe Joutard. Il a soutenu sa thèse sur la guerre des camisards et a déjà publié sur le sujet Les camisards, (Gallimard, 1976) et La Légende des camisards. Une sensibilité au passé, (Gallimard, coll. « Bibliothèque des Histoires », 1977). Avec La Révocation de l’édit de Nantes, il se penche sur l’un des épisodes les plus marquants (et tristes aussi) du règne de Louis XIV.
Une révocation qui vient de loin ?
Avec beaucoup d’érudition, Philippe Joutard revient à la source même, l’édit de Nantes, qui n’instaurait pas une tolérance comme nous l’entendons. L’objectif était bien d’étouffer petit à petit les membres de la « religion prétendue réformée. Reste que, contrairement à d’autres historiens, Joutard considère que les protestants bénéficièrent au fond de la fin de leur « parti », sanctionné par l’édit d’Alès en 1629. Ils témoignèrent aussi d’une grande fidélité à la monarchie et à ses ministres. Les choses changèrent progressivement et l’environnement devint plus hostile pour les réformés sous Louis XIV, avec des variations chronologiques dues aux guerres.
Un édit qui repose sur une fiction
Pour justifier l’édit de Fontainebleau, Louis XIV et ses thuriféraires ont argué des conversions massives pour justifier de l’abolition du régime de l’édit de Nantes. Or ces conversions étaient obtenues la plupart du temps sous la contrainte des dragonnades. De plus, le Roi et ses affidés violèrent allègrement l’article XII de son propre édit qui garantissait a minima la liberté des cœurs… Procès, condamnations, exécutions de pasteurs s’enchaînèrent. 180 000 huguenots quittèrent la France pour le refuge (Suisse, Hollande), le Saint Empire, la Scandinavie, l’Amérique ou… La future Afrique du sud.
La mémoire
Malgré cette émigration bien décrite par Philippe Joutard, le protestantisme français survécut. Mieux, il s’accrocha, particulièrement dans ses bastions historiques, comme les Cévennes. Le XVIIIe siècle laissa subsister la fiction de l’unité religieuse du royaume, personne n’osant remettre en cause une décision du Grand Roi. Il fallut attendre la Révolution (et Napoléon) pour une égalité pleine et entière. Cependant, la mémoire des persécutions demeura, au point que les protestants cévenols n’hésitèrent pas à apporter leur aide aux juifs français durant la seconde guerre mondiale (Patrick Cabanel y a consacré un très bon livre, De la paix aux résistances). Superbe synthèse.
Sylvain Bonnet
Philippe Joutard, La Révocation de l’édit de Nantes, Gallimard, « folio histoire », mars 2018, 560 pages, 9,40 euros