Eriophora, un peu plus près des étoiles

Scientifique et écrivain  

Spécialiste des fonds marins, Peter Watts est l’auteur de plusieurs romans : citons par exemple le fameux Vision aveugle (Fleuve noir, 2009). Notons que Le Bélial a récemment fait paraître un recueil de nouvelles, Au-delà du gouffre, en 2018, où on a pu découvrir que Watts affectionnait particulièrement la  Hard Science, c’est-à-dire des histoires basés sur des hypothèses scientifiques crédibles. Eriophora est un court roman paru en 2018 en anglais, qui se situe dans le même univers que trois nouvelles de ce recueil, et se situe sur le vaisseau « Eriophora », d’où le titre.  

Le voyage sans fin  

Au début de notre voyage, je m’amusais à chacun de mes dégels à calculer la distance qu’on avait parcourue jusque-là, puis je regardais à quelle distance ça correspondait si nous remontions l’histoire au lieu de nous enfoncer dans le cosmos. Oh, regarde : le temps d’atteindre notre premier chantier et nous voilà revenus à la Révolution industrielle. Deux chantiers nous ont emmenés à l’âge d’or de l’Islam, sept à la dynastie Shang. 

Ils sont trente mille à avoir embarqué à bord de l’”Eriophora”, gigantesque caillou lancé à travers l’espace il y a déjà soixante millions d’années selon le calendrier terrestre. Leur but est simple : créer des portails dans les trous de ver pour permettre aux descendants de l’humanité (qu’ils ne connaissant pas. Existent-ils ?) de voyager à travers la galaxie. Et au-delà. Le Chimp, l’intelligence artificielle (plutôt limitée) qui gère le vaisseau, les réveille ainsi à chaque « chantier ». Sunday est l’une d’entre eux et entretient une relation amicale avec le Chimp. Mais quand elle réalise qu’il a laissé mourir trois mille d’entre eux, elle est plutôt en colère. C’est le moment choisi par d’autres pour commencer à fomenter une révolte pour reprendre le contrôle du vaisseau. Est-ce seulement possible quand on se réveille une fois tous les quatre ou dix mille ans ? Ils s’organisent…  

Une réussite dans le genre  

Ici, Peter Watts s’inscrit une fois de plus dans la Hard Science, genre très décrié autrefois en France. Il possède cependant la capacité de créer des personnages intéressants, qui font vivre l’histoire autant que l’hypothèse scientifique sur laquelle il base son récit. Eriophora émeut le lecteur tout en réussissant à jouer sur le fameux sense of wonder, expression qui traduite en français ne semble rien dire, mais qui explique pas mal l’intérêt du genre : faire rêver (ou cauchemarder).

Parfois terrifiant, Eriophora constitue une expérience de lecture qu’on ne peut que recommander. Et la couverture de Manchu est magnifique, ce qui ne gâte rien.   

Sylvain Bonnet  

Peter Watts, Eriophora, traduit de l’anglais par Gilles Goullet, Le Bélial, illustration de Manchu, septembre 2020, 224 pages, 18,90 eur

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