les Monstres Fabuleux d’Alberto Manguel

Que peuvent avoir en commun Dracula, Superman, Alice, le grand-père de Heidi, Quasimodo, le Wendigo ou Charles Bovary ? Eux, et beaucoup d’autres, sont les amis littéraires d’Alberto Manguel. Et il interroge sa précieuse relation à eux dans Monstres fabuleux, une manière d’autobiographie au travers des grands personnages de fiction qui ont marqué sa vie.

des amis littéraires

Qui vit au milieu des livres sait combien les personnages d’une fiction est bien plus que cela. Tous les lecteurs assidus et un rien fanatiques ont passé des moments privilégiés avec tel ou tel. Même si est fini le temps de Goethe où les lectrice des Souffrances du jeune Werther allaient se pâmer et se suicider, les héros de roman restent des figures importantes dans la vie des lecteurs.

Ceux d’Alberto Manguel sont nombreux et variés. On retrouve quelques personnages déjà croisés dans ses monographies comme Robinson Crusoé, mais aussi beaucoup d’autres qui étonnent (Superman ! car on imagine mal le grand lecteur d’Homère et secrétaire de Borges lire des comics, mais c’est oublier qu’il a été jeune !). Pour certains, il se contente d’une analyse, comme pour Emile de Jean-Jacques Rousseau. Pour d’autres, il parle de manière plus personnelle : c’est le cas avec Wakefield de Nathaniel Hawthorne. Mais pour chacun il met à la disposition du lecteur son immense culture et, surtout, tisse des liens parfois très inattendus mais toujours pertinents, qui traversent le monde des Lettres avec une grande et belle lumière.

Le mot « monstre » dérive du mot latin monere, « avertir ». Le monstre est le prodige, l’anomalie, l’être insolite, la chose inattendue, ce qu’on voit rarement, ou jamais.

Des amis ou des monstres ?

La notion de monstre renvoie à des créatures composés de plusieurs être v. En bon tératologue, Alberto Manguel sait qu’une créature d’imagination vit dans l’esprit de son créateur, sur le papier et dans l’esprit des lecteurs. Et ce qui est proprement fabuleux, c’est que chaque lecteur aura sa propre version du même personnage. Manguel, d’ailleurs, n’est pas chiche : il déploie une culture immense et transversale, servie par un engouement communicatif. Et quelle écriture ! limpide comme la conversion avec un ami érudit qui ne cherche rien sinon mettre ses lectures à votre portée.

Ce qui plaît dans cette galerie très personnelle de portraits universels, c’est l’immense culture d’Alberto Manguel et la manière dont il s’en sert pour dire son monde et dire le monde. Comme autant de miroir qu’on promène le long du chemin, pour le dire comme Stendhal. Car Manguel ici encore nous propose avant tout de plonger dans l’immensité de la littérature, avec passion !

Loïc Di Stefano

Alberto Manguel, Monstres fabuleux, illustrations de l’auteur, Actes sud, février 2020, 264 pages, 22,50 eur

Laisser un commentaire