Les guerres du blé, une autre vision de la géopolitique

Directeur d’études à l’EHESS, Alessandro Stanziani est connu pour certains ouvrages comme Histoire de la qualité alimentaire (Seuil, 2005) ou Capital Terre, une histoire longue du monde d’après, XIIeXXIe siècle (Payot, 2021). Il a publié l’année dernière Les guerres du blé, à un moment où la guerre d’Ukraine a ramené la question frumentaire au cœur de notre actualité.

Un lien entre blé et puissance

Depuis le néolithique et le développement d’une agriculture fondé sur les céréales existe un lien consubstantiel et corrélatif avec le développement des Etats. Alessandro Stanziani n’invente rien. Son originalité est de montrer combien notre modernité est basée sur le besoin en blé. La Révolution commence aussi par une crise frumentaire, au moment où la France connaît de mauvaises récoltes. Au même moment, la Russie des tsars s’impose comme une grande puissance grâce aussi à la possession des terres noires d’Ukraine, si propices pour le blé. Une chance à terme pour la Grande-Bretagne qui va vite devenir dépendante de ses importations. Une clef pour comprendre la géopolitique et ses évolutions pendant la Révolution et l’Empire. La colonisation et la poussée américaine vers l’ouest permet de développer la culture du Blé partout, en ne tenant pas compte bien sûr des équilibres écologiques

Qui maîtrise la culture du blé domine le monde ?

La grande guerre a démontré la suprématie des puissances capables de s’approvisionner en blé (et en nourriture) : ainsi la Grande-Bretagne et la France, grâce à leurs colonies et leur maîtrise des mers (et à l’alliance américaine) l’ont emporté face à l’Allemagne. Leçon comprise par Hitler qui pille l’Europe de l’ouest et se lance dans la conquête de l’Ukraine et de la Russie, avec le succès que l’on sait. La révolution bolchevique est aussi une volonté de lutter contre la paysannerie, ce qui désorganise l’URSS et son agriculture : en 1980, la Russie est importatrice nette de céréales, preuve que les Kolkhozes ne marchaient pas bien. Actuellement, l’épuisement des sols, dû en partie à l’utilisation de certains engrais et pesticides, combiné à cette guerre stupide en Ukraine rendent la question du blé de plus en plus prégnante au moment où nous rentrons dans un capitalisme de la finitude selon un ouvrage récent d’Arnaud Orain. Et cet ouvrage permet de le comprendre.

Sylvain Bonnet

Alessandro Stanziani, Les guerres du blé, La Découverte, septembre 2024, 320 pages, 22 euros

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