premier sang, au nom du père

Le dernier livre d’Amélie Nothomb, Premier sang, a été salué comme un chef d’œuvre insurpassable par une critique enthousiaste. Inscrit dans la liste des nominés pour les grands prix littéraires et lauréat du Renaudot, le bouquin a même été considéré par certains comme « le meilleur livre d’Amélie Nothomb ». Rien que cela. On ne l’a donc ouvert qu’avec des frémissements intenses et des promesses de bonheur inouïes. 

cent pages insipides

Cette effervescence est vite retombée à la lecture des dix, puis vingt, puis cinquante, puis cent premières pages, qui racontent la vie insipide d’un petit garçon belge avant la guerre. Ballotté entre pensionnat glacé en hiver, et famille austère en été, notre héros se fraie un chemin difficile dans une société bourgeoise, et s’empêtre dans des amours compliqués. Voilà pour l’essentiel. C’est maigre. 

Mais ça s’arrange aux alentours de la page 120, et il est juste de dire qu’alors, le texte prend un peu d’épaisseur. L’adolescent est devenu un homme, il se marie, et part à 28 ans comme consul de Belgique au Congo. Le voilà installé à Stanleyville en 1964, année où les Congolais manifestent violemment des désirs d’indépendance. Les autorités belges en font les frais, et le jeune consul est pris en otage, avec d’autres, puis promis au peloton d’exécution.

hommage au père

On ne dévoilera pas la suite, qui constitue la meilleure partie du livre, et que l’auteur raconte avec pudeur et talent, mais sans dissimuler l’admiration qu’elle porte à « son » héros. Car on l’aura compris, le consul s’appelle Pierre Nothomb et n’est autre que le père d’Amélie. C’est donc bien le lien du sang qui relie les deux êtres, et la fille a voulu ici rendre hommage à la figure du géniteur, assez fière, somme toute, de succéder à une personnalité plus forte que prévu. Elle en profite au passage pour dire entre les lignes ce qu’elle pense des marxistes, qui furent ensuite les maitres de Kinshasa. Mais l’histoire récente de l’Afrique n’est pas un long fleuve tranquille. 

Premier sang est le trentième roman d’Amélie Nothomb. Elle a donc accumulé une production importante, qui eut ses succès, bien légitimes, à la fin du siècle dernier, et au début du suivant. Depuis, malgré le rythme soutenu et régulier d’un livre par an, il semble que la veine se tarit un peu. Le Nothomb nouveau arrive immanquablement en octobre, comme le beaujolais en novembre et Noël en décembre. Une pause serait la bienvenue. Après avoir fait revivre son père, Barbe Bleue, le Christ (Soif), et raconter bien des histoires, Amélie Nothomb pourrait prendre le temps de se régénérer un peu. Ses admirateurs, qui sont fort nombreux, lui en seraient redevables. 

Didier Ters

Amélie Nothomb, Premier sang, Albin Michel, septembre 2021, 170 pages, 17,90 eur 

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