Vie et mort du secret d’état, un essai problématique
Antoine Lefébure a plusieurs cordes à son arc : il est le créateur de la revue critique des médias électroniques Interférence, a travaillé chez Havas et publié des ouvrages comme Les Conversations secrètes des Français sous l’occupation (Plon, 1993) ou L’affaire Snowden ou comment les Etats-Unis espionnent le monde (La Découverte, 2014). Ici, il publie un essai ayant comme sujet l’histoire secret d’état. Vaste programme !
Histoire d’un mystère

Ah les secrets d’état ! voilà bien quelque chose qui fait rêver scénaristes et romanciers, complotistes et romantiques. Antoine Lefébure place non sa naissance (il y a toujours eu des secrets d’états) mais sa pleine expansion avec le moyen-âge. C’est d’abord la papauté qui se met à employer cette méthode de gouvernement avant qu’un roi comme Philippe le Bel ne l’emploie avec maestria pour le plus grand malheur de son rival le pape Boniface VII puis contre les Templiers. Travestissement de la vérité, aveux obtenus sous la contrainte, procès truqués : Philippe le Bel va loin. Antoine Lefébure retrace ensuite l’évolution du secret d’état jusqu’à nos jours, montrant en sa conclusion comment sa fin semble inévitable à l’ère numérique, l’affaire Snowden (aujourd’hui réfugié en Russie, je vous remercie) montrant combien les secrets sont vulnérables. Aujourd’hui, tout se joue autour du moment du dévoilement de ces secrets : Biden l’a montré juste avant la guerre d’Ukraine en révélant les préparatifs de l’invasion russe.
Des problèmes de relecture… pour le moins
Tout cela est bel et bon mais il y a un gros hic. L’ouvrage est parsemé d’erreurs de faits, de dates qui ennuient le lecteur féru et passionné d’histoire. Ainsi page 26 où il est dit que Constantin reçoit les insignes impériaux en 476 : or, surprise, à Constantinople règne alors un certain Zénon. Rappelons que Constantin le grand est mort en 337. On sait que tous les basileus se présentaient comme des héritiers de Constantin mais tout de même. Notons aussi que sous Henri III, il n’y a pas de cardinal de Richelieu, peut-être confondu ici avec le cardinal de Guise ou le cardinal de Bourbon (tout de même). Arrêtons ici le recensement.
Je trouve cependant surprenant que page 345, il est dit que le guide Ali Khamenei est tué : or on le voit encore il y a peu dans les médias lors de la guerre dite des « douze jours ». L’auteur a des sources ? La république islamique emploie-t-elle un sosie ? Mais dans quel but ? Bref, gênant.
Sylvain Bonnet
Antoine Lefébure, Vie et mort du secret d’état, Passés composés, février 2025, 200 pages, 23 euros