La Raplaplanète des singes

La série La Planète des singes n’étant rien d’autre – et ce depuis le premier épisode, réalisé par Franklin J. Schaffner, avec Charlton Heston – qu’une métaphore de l’histoire de l’humanité, il n’est pas absurde, il est même parfaitement logique que nous soit offert de temps à autre un volet supplémentaire, une « mise à jour ». Et c’est bien ce que semblent garantir l’adjectif nouveau dans le (sous-)titre – Le Nouveau Royaume – du dernier chapitre en date et, dans le film, l’application avec laquelle un personnage central répète le mot évolution.

L’ennui, c’est que ce mot, il ne le prononce pas – il l’ânonne comme un enfant qui vient tout juste d’apprendre à lire. Et tout le film, qui, comme il se doit de nos jours, dure plus de deux heures, est à l’image de cet ânonnement. Ce Nouveau Royaume regorge en effet de clins d’œil, de références à la première Planète des singes. L’héroïne humaine est baptisée Nova ; une poupée découverte au cœur d’une grotte crie « Maman » ; la plage qui sert de décor à toute une longue séquence ressemble furieusement à celle sur laquelle Taylor/Charlton Heston découvrait la tête de la Statue de la Liberté ; certains angles de prises de vues (en particulier des contre-plongées) sont exactement les mêmes que dans ce finale légendaire…

Tout cela est assez drôle au début – car on ne saurait nier le plaisir qu’on éprouve à se retrouver en pays de connaissance –, mais, au bout d’un certain temps, on s’ennuie ferme, car on se rend compte que ce Nouveau Royaume n’est en réalité qu’un remake sans imagination de la première Planète. Tout ce qui pouvait donner le frisson en 1968 tombe ici à plat, dans la mesure où l’histoire qui se déroule laborieusement devant nos yeux est pratiquement identique. Seule nuance : l’affrontement entre les singes et les hommes est en gros remplacé par un affrontement intrasimiesque entre les méchants gorilles et les gentils chimpanzés, mais il faut toutefois préciser que les hommes sont toujours présents « par la bande », le chef des vilains gorilles s’inspirant pour sa politique despotique des écrits de César, auquel il emprunte d’ailleurs son nom ; il n’est pas sûr qu’il sache lire couramment, mais il a sous ses ordres un humain « collabo » qui lui fait docilement la lecture. En face, la Nova dont nous avons parlé est censée incarner la résistance, mais la fin – qui nous fait redouter une suite – révèle qu’elle n’est malheureusement pas pour autant un modèle d’honnêteté intellectuelle.

Et c’est finalement cela qui dans ce film – au demeurant techniquement et infographiquement irréprochable – est foncièrement gênant. Si, comme nous l’avons dit, les hommes restent au premier plan tout en étant relégués au second plan, ils sont présentés, directement ou indirectement, comme responsables de tous les malheurs du monde. Message écologiste de saison, mais outré et quelque peu vain : on ne va pas nier ici les malversations que l’homme ne cesse d’infliger à la nature, mais quelques pages de Lucrèce sont là pour rappeler à ceux qui l’auraient oublié que, bien souvent, c’est la nature qui a commencé. Oui, au fait, quelle est donc la proportion de terres naturellement habitables sur notre planète ?

(P.S. – On cherche en vain le nom de Pierre Boulle au générique, mais son fantôme est peut-être enchanté de ne pas être associé à cette entreprise.)

FAL

Film américain de Wes Ball, avec Owen Teague, Freya Allan, Kevin Durand. durée :145 minutes.