Lysistrata, ou la guerre des sexes selon Aristophane

Aristophane est un génie, de ceux qui touchent à l’universel. Et bien plus encore, dans une manière fort grasse et peu convenable, et par le rire — voire la gaudriole — qui pis est, il fait entendre une critique de son temps et de l’homme en général. Et il reste tout à fait lisible aujourd’hui, pour peu qu’on fasse le beau travail de traduction et de présentation qu’ont fait Lætitia Bianchi et Raphaël Meltz dans la nouvelle édition de Lysistrata.

Aubrey Beardsley, 1896

La grève des femmes

Tout ce que tu veux, tout ce que tu veux ! Je suis même prête à marcher sur le feu : tout plutôt que se passer de bite. Car rien ne vaut la bite, ma chère Lysistrata.

Dans une société très patriarcale, la femme ne prend pas part aux décisions publiques. Et quand la guerre dure indéfiniment et risque de créer un véritable effondrement de la civilisation, il n’est plus temps de tergiverser. En pleine guerre du Péloponnèse, une femme décide d’user de la seule arme à sa disposition : elle-même. Lysistrata, littéralement « celle qui délie l’armée », réunit une assemblée de femmes, de toutes les Cités en conflits, et toutes décident, quoi qu’il leur en coûte, la grève du sexe.

Suit un long affrontement entre les femmes et les hommes, jusqu’à ce que ces derniers, d’une raideur devenue incontrôlable, se consternent d’un « ma pauvre bite, tu vas mourir de faim… »

Féminisme actif

Bien avant les héroïques congolaises, les femmes grecques avaient compris que priver l’homme de l’épanchoir à sa virilité le privait ipso facto de sens. Et que toutes les guerres du monde ne valaient pas un coup de rein !

Ainsi, fortes de leurs seules armes naturelles, et de leur pouvoir sur l’homme, elles changent la société et, dans une orgie finale grandiose et libératrice, donnent à la femme le pouvoir !

Lysistrata est une pièce comique et sérieuse à la fois. Le gras de son comique et de ses propos n’amenuise pas l’intelligence du point de vue, au contraire.

Loïc Di Stefano

Aristophane, Lysistrata, traduit du grec par Lætitia Bianchi et Raphaël Meltz, arléa, février 2021, 148 pages, 8 eur

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