Berlin Requiem, Wilhelm Furtwängler, le régime nazi et la musique
Wilhelm Furtwängler fut l’un des plus grands chefs d’orchestre allemands du vingtième siècle. A la tête du grand orchestre de Berlin dont il fut longtemps le maitre incontesté, il connut une immense réputation, et le pouvoir nazi, Adolf Hitler en tête, en firent une sorte de vedette nationale. Malgré sa répugnance pour ce pouvoir honni, qui éliminait un par un les musiciens juifs de son orchestre, le chef resta à sa place jusqu’en 1945, ce qui lui fut reproché après la guerre.
A côté de cette figure parfaitement historique, Xavier-Marie Bonnot, romancier souvent récompensé, a imaginé deux autres personnages : une grande cantatrice, et son fils Rodolphe, obligés, eux, de fuir Berlin à cette époque troublée. De leurs trois destins, et de leurs rencontres avant, pendant et après la guerre, est né ce roman : Berlin Requiem.
de la musique dans l’Allemagne hitlérienne
Leur histoire est douloureuse, mais belle, car malgré bien des pleurs, elle connut une fin apaisée. Elle raconte aussi, sinon surtout, une histoire de la musique dans l’Allemagne hitlérienne, sous la botte d’un pouvoir criminel, que les trois « héros » eurent à supporter. Mais elle montre que l’art peut se hisser au-dessus du désespoir, car si la cantatrice se retrouva affamée dans le camp de déportation de Birkenau, c’est à sa voix de diva qu’elle dut d’y survivre. Et si son fils Rodolphe, seul à Paris pendant l’occupation, a pu subsister, c’est grâce à son amour de la musique. Et si, finalement, le grand chef suscita l’indulgence des Alliés, malgré sa « compromission » avec les nazis, c’est parce qu’il put les convaincre que « la musique est au-dessus de la politique », et même au-delà de tout.
C’est là, en dernière analyse, le principal message de ce beau livre, qui tresse puis dénoue les fils de trois vies croisées, décroisées, recroisées, et fait de la musique, la grande, celle de Wagner, de Brahms, de Beethoven, le vrai personnage du roman. On rapprochera utilement « Berlin Requiem » du livre de Bruno Lemaire « Musique absolue », consacré à l’autre grand chef d’orchestre Carlos Kleiber, livre paru en 2012 chez Gallimard. Il y est souvent question de Furtwängler, ami proche de la famille Kleiber, qui fut obligée de d’expatrier avant la guerre pour ne pas « cohabiter » avec les nazis. Mais là encore, c’est la musique qui a fini par gagner, et permis de redonner aux exilés un sens et surtout un bonheur à leur vie.
Didier Ters
Xavier-Marie Bonnot, Berlin Requiem, Plon, août 2021, 350 pages, 19 euros