Capitaine Futur, le triomphe : le mythe du héros
Le feuilleton, un art fondamental
On mesure aujourd’hui à quel point le feuilleton a influencé la culture occidentale et ce dès le XIXe siècle avec des écrivains comme Eugène Sue ou Alexandre Dumas. À l’époque, les lecteurs en redemandaient, avides de rebondissements, d’exotisme et de héros. Avant d’en arriver à la consécration actuelle grâce à la télévision, l’idée feuilletonnesque s’est épanouie dans les pulps américains du siècle dernier : Edmond Hamilton en est un de ses représentants les plus accomplis avec sa série du Capitaine Futur, plus connue chez nous sous le nom de Capitaine Flam. Les éditions Le Bélial ont entrepris depuis deux ans de retraduire la série et ont confié le travail à l’un des meilleurs traducteurs en activité, Pierre-Paul Durastanti. Le Triomphe est le 4e volume d’un cycle qui, sous des dehors aujourd’hui jugés très naïfs, est pourtant l’un des plus inventifs de l’époque.
Le péril de la vie éternelle
Dans le système solaire grandit une rumeur : on pourrait vivre éternellement. De plus en plus de terriens, de vénusiens, de mercuriens sont prêts à payer le prix fort afin de pouvoir rester éternellement jeunes grâce à un élixir vendu chèrement par le Seigneur de la vie. Malheureusement, pour rester jeune et en vie, il faut pouvoir avoir accès à intervalles réguliers cet élixir sinon c’est la mort.
Le gouvernement, de plus en plus inquiet, décide donc de faire appel à Curtis Newton et à ses futuristes — les robots Otho et Grag et le cerveau volant Simon Wright — basés sur la Lune. Or ils sont en train d’étudier une comète quand arrive le signal :
— Le signal ! annonça Grag de sa voix profonde. Maître, le président vous réclame. / — Enfer et damnation ! s’exclama Curt désappointé. Au moment où on allait pénétrer dans cette comète et on doit renoncer. » / Nos héros se lancent cependant dans l’enquête. Et ils ne vont pas être déçus !
Le moment de l’innocence
(Re)lire Edmond Hamilton aujourd’hui, c’est renouer avec les débuts d’un genre, le space-opera, et aussi avec son enfance pour le critique qui a vu, revu gosse Capitaine Flam : autant dire qu’il est familiarisé avec le sujet. Ce quatrième tome de la saga nous permet de retrouver un héros « invariant », c’est-à-dire que le lecteur s’attend à une répétition de son comportement face aux méandres d’une intrigue plus complexe qu’au premier abord.
Le capitaine Futur est plongé dans un complot a priori inextricable dont il ne sortira que grâce à son ingéniosité. De ce point de vue, il ressemble à des héros de comics comme Superman ou Batman (à un moment scénarisés par Edmond Hamilton). Notons qu’il existe désormais peu de personnages « invariants » aujourd’hui, les goûts du public ayant évolué.
Et pourtant… Pourquoi la magie peut-elle encore fonctionner ? Curt Newton, par sa naïveté et ses dons, ressemble au héros que tout petit garçon rêve de devenir. Réactionnaire ? Non, juste humain.
Sylvain Bonnet
Edmond Hamilton, Capitaine Futur – le triomphe, traduit de l’anglais par Pierre-Paul Durastanti, couverture de Philippe Cady, Le Bélial, mai 2019, 224 pages, 15, 90 eur
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