Xulthal la crépusculaire, une aventure de Conan le cimmérien
Mû par un besoin d’argent auquel pouvait répondre cette mode de l’érotique qui arrivent dans le pulp, Robert E. Howard écrit plusieurs récits mettant en scène son héros, Conan le Cimérien avec cette seule exigence : alimentaire. En 1932, il écrit Xuthal la Crépusculaire qui entrera dans l’histoire pour plusieurs raisons, notamment parce qu’elle va poser l’iconographie du Conan moderne, grâce à la sublime couverture de Franck Frazetta et, plus tard, au film de John Milius avec Arnold Schwarzenegger (1982). Cette histoire est pourtant d’une grande simplicité : traversant un désert hostile, Conan et Natala (l’atout charme et fort dénudée) trouvent refuge dans une étrange cité. Entrer, combattre, repartir. Mais les enjeux réels sont bien supérieurs à cette apparente simplicité.
sexe et violence
Seuls survivants d’une bataille épique, et en fuite, Conan et Natala s’enfoncent dans un désert très hostile. Au moment de périr, ils voient les hautes tours d’une cité. Ce sera leur survie… Mais Xuthal, cette immense cité, recèle un double secret : ses habitants ont poussés la décadence de civilisation à son comble, et dans les entrailles de la ville un monstre tentaculaire (le dénommé Thog, très lovecraftien) vient se repaitre à sa guise de ces corps offerts. Seule être vivant encore lucide, une jeune femme voit en Conan l’étalon qui manquait à sa couche et, donc, en Natala, l’obstacle à abattre.
Deux femmes vont se battre pour Conan, pour l’avoir comme protecteur ou comme amant. Et cela va donner lieu à une scène centrale très érotique, avec flagellation et points de vue équivoques. Mais Conan est aussi un homme d’honneur. Et s’il réchappe à la mort, c’est aussi grâce à Natala, dont la transformation au fil du récit en fait un personnage attachant : fragile chose apeurée et accrochée à Conan elle devient celle qui le sauve. Décidément les femmes chez Howard ne sont pas celles qu’on croit.
la barbarie comme seule espoir
Au-delà des images de sexe et de violence, Howard se sert de cette aventure de Conan pour montrer que sa seule barbarie, sa force brute sont les armes qui vont lui permettre de survivre aux pièges de la civilisation poussée à son paroxysme. Si la cité est endormie et laisse le démon s’y mouvoir et dévorer à loisir, c’est parce qu’elle s’est laisser pervertir (en l’occurrence par la drogue). On retrouve dans cette cité ce que sera, à partir des année 60, Melniboné, capitale de l’empereur albinos Elric. Autant dire que Xuthal la Crépusculaire est un récit central dans l’histoire de l’Heroic Fantasy. Conan ici devient le contre-champs d’une civilisation pervertie, par sa force brute mais surtout par la pureté de son âme. Et oui, ce n’est pas qu’une grosse brute !
Le duo Christophe Bec et Stevan Subic fonctionne parfaitement. Le scénario est offre une lecture dynamique et intelligente du récit initial. Quant au dessin très particulier de Stevan Subic, disons-le, ils renouent avec une force incroyable avec l’image pure et brute du barbare. Sans doute une des meilleures version du Cimmerien de toute la série.
Loïc Di Stefano
Christophe Bec (scénario) et Stevan Subic (dessin), Xuthal la Crépusculaire, postface de Patrice Louinet, Glénat, « Conan le Cimmérien », janvier 2022, 72 pages, 15,50 euros