Inglorious Basterds, Tarantino est-il un maître?

Un chercheur face au cinéma

Professeur à l’université de Toulouse-Jean Jaurès, David Roche a publié L’Imagination malsaine (L’Harmattan, 2008) ayant pour sujet des artistes aussi différents que Russell Banks ou David Cronenberg. Il a aussi co-dirigé des ouvrages sur Steven Spielberg et David Bowie, artiste qui manque beaucoup à la musique. L’été dernier, il a publié cet essai sur Inglorious Basterds, film de Quentin Tarantino sorti en 2009, afin d’en identifier la singularité et aussi la portée. Disons-le tout de suite : nous n’avons pas aimé ce film. Pour autant, son importance est indéniable tout comme le talent et l’audience de Tarantino, devenu un demi-dieu pour son public. Alors que nous dit donc David Roche à ce sujet ?

Tarantino contre le cinéma classique

L’objet du livre est simple. Pour David Roche, Quentin Tarantino est un cinéaste plein d’amour pour son art (il y a du vrai) qui fait des films idéologiques. Pour notre auteur, Inglorious Basterds est un film qui parle de l’antisémitisme, de la violence et du féminisme. Même s’il est conscient de certaines ambiguïtés du metteur en scène, Roche met en avant son goût pour des héroïnes fortes, sa mise en avant d’acteurs noirs comme Samuel L. Jackson. Sur ce point, Roche y voit un changement majeur initié par Tarantino par rapport à l’ancien cinéma des studios. On ne fera pas de la Warner des années 50 un bastion du progressisme mais il y avait des acteurs noirs : citons Harry Belafonte, Sydney Poitier ou le grand Woody Strode que John Ford fit jouer dans Le Sergent noir. Il ne s’agit pas de nier le racisme du cinéma de cette époque : le personnage stéréotypé d’Hattie McDaniel dans Autant en emporte le vent l’illustre complètement. Le cinéma américain de ces années-là n’était cependant pas monolithique.

Cinéma ? post-cinéma ?

Avec Trump, on a découvert les alternative facts. Avec Tarantino, c’est un peu la même chose puisqu’il nous propose un cinéma alternatif ! Doué pour les dialogues, Tarantino n’a pas son pareil pour étirer une scène et en faire un prélude à une explosion de violence. Contrairement à David Roche, on ne pense pas dénicher dans ses films un discours politique sous-jacent, remettant en cause des dogmes du cinéma hollywoodien quant à la représentation des femmes ou des minorités. On y voit plutôt la marque d’un cinéaste roublard excité par la violence et prêt à tout pour attirer le chaland crédule et l’intellectuel en quête de rébellion facile. Car sur quoi débouche la violence de Tarantino ? Rien. Il réécrit l’histoire, oui, comme un enfant qui refuse de voir que le monde est parfois dur et cruel, comme dans Once upon a time in Hollywood ou, finalement, Sharon Tate ne meurt pas. Même son maître Scorsese propose d’affronter le réel, parfois, comme dans Les Affranchis ou Le Loup de Wall Street.

J’ai bien conscience d’être aujourd’hui minoritaire tant la secte de ses admirateurs transis est importante mais tant pis ! Voyez plutôt du Ford, du Mizoguchi, du Hawks, du Melville ou du Mac Kendrick !!

Sylvain Bonnet

David Roche, Inglorious Basterds, Vendémiaire, août 2019, 144 pages, 15,50 eur

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