Dictionnaire du Péplum
DLe péplum est un genre mal considéré du cinéma. On a trop souvent tendance à le railler voire à l’oublier. Il a pourtant exercé son influence dans bien des domaines. Les films de super-héros dont on nous gave tirent une bonne partie de leur inspiration à la fois dans la mythologie et dans la façon de faire des péplums. Et cela ne concerne pas seulement Thor, le héros marteau. Dans son ouvrage, Claude Aziza souligne d’ailleurs les emprunts de Star Wars au péplum, même si je considère que Lucas s’est surtout inspiré des westerns.
Donc il n’y a aucune raison d’enfermer le péplum dans un sous-genre. D’autant que des succès comme Gladiator ou 300 prouvent que le public en est friand.
Un dictionnaire s’imposait. Le voici.
Il est hors de question de passer en revue l’intégralité des œuvres appartenant à ce genre. En plus, il est délicat de le comptabiliser avec certitude. L’auteur estime que l’ensemble se situe entre 1700 et 2100 films. Si l’on ajoute les thèmes, les personnages, les auteurs, les acteurs, etc. on dépasse le cadre du dictionnaire pour tomber dans l’encyclopédie vingt volumes en vente par correspondance. Mais en 395 pages on a déjà droit à un sacré tour d’horizon.
Claude Aziza connait son sujet. C’est le minimum que l’on puisse demander pour un bouquin de cette ampleur. C’est-à-dire qu’il connait à la fois les films, l’histoire de Rome, de la Grèce et de tous leurs satellites, les écrits bibliques et la mythologie. Cela lui permet d’aborder son sujet sous différents angles.
Sans tomber dans l’analyse fastidieuse ni dans la critique facile, il compare les sujets projetés sur l’écran avec la réalité historique ou les écrits anciens. Au passage, le lecteur a droit à des cours de rattrapage d’Histoire accélérés. Mais Aziza aime trop le cinéma pour se laisser prendre au piège des scénarios traficotés. Il admet que ce qui compte d’abord c’est le spectacle. Certes, il est légitime d’être agacé quand deux personnages historiquement séparés par plusieurs millénaires se retrouvent face à face à l’écran mais cela est, finalement, secondaire. Il s’amuse aussi des changements de titres voire des personnages selon les versions. Hercule peut devenir Maciste en traversant une frontière et vice versa.
Pour prouver qu’il est inutile de se montrer plus Romain que les sénateurs, Aziza emploie souvent un ton badin qui évite le côté pensum ou cours magistral de la Sorbonne.
En revanche, il parle très peu de la construction des films et seuls quelques titres épars ont droit à des anecdotes de tournage.
Le petit souci avec ce genre d’ouvrage est, justement, l’accumulation des connaissances. Dans son désir de bien faire, l’auteur abreuve le lecteur d’informations. Il cite, par exemple, des listes de titres de films en précisant leur année et le nom de leur réalisateur, oubliant que cela provoque vite le tournis. Et puis peu de cinéphiles, même les plus acharnés peuvent identifier toutes ces références.
Pour être complet — ce qui est louable — Aziza remonte jusqu’aux films muets que ni vous ni moi ne verrons jamais car, en dépit de leurs qualités, ils sont assez pénibles à supporter. Enfin l’auteur éprouve le besoin de nous narrer le travail des acteurs et des réalisateurs hors péplum ce qui alourdit son sujet et l’expédie à la limite du hors-sujet.
Néanmoins, ce dictionnaire comble un vide. Non qu’il s’agisse du premier livre sur le péplum (même s’ils sont rares) mais par sa construction et son érudition, il s’avère indispensable. On peut s’y balader à sa guise, comme on se promènerait dans un champ élyséen où le navet côtoierait la rose écarlate.
Étant mal placé pour dénicher les bourdes historico-mythologiques, je n’ai relevé que quelques étourderie dans ce copieux ouvrage. Par exemple la plantureuse Wonder Woman de la télévision se prénommait Linda (Carter) et non Lynn. Le patron de la MGM s’appelait Louis B. Mayer et non Meyer.
Page 127 on trouve cette jolie formule : « De 1914 à la fin du parlant… » Je veux bien admettre que les dialogues des films sont devenus si indigents que les personnages feraient mieux de se taire mais, hélas, il continue de papoter… De même (page 187) on passe de 1942 à 1962 avec ce raccourci « dix ans après ». On peut être historien et nul en maths !…
Enfin, je voudrais revenir sur les relations entre Ben-Hur et Messala dans le célèbre film avec Charlton Heston. Le scénariste Gore Vidal a répété et écrit qu’il avait rédigé certaines scènes (dont celle du lancer de javelot qui ressemble à un concours de… vous savez quoi) en y glissant des allusions homosexuelles. Stephen Boyd en fut prévenu — et cela l’amusa beaucoup — mais non Charlton, qui aurait piqué une colère noire et sorti son fusil à pompe. Il ne s’est donc pas « fâché tout rouge », vu qu’il n’était pas au courant… Faudra attendre 2 heures moins le quart avant Jésus-Christ pour voir La Cage aux folles chez les Romains…
Pour terminer cette question : pourquoi tous les films d’Astérix (dessins animés et live) sont-ils absents ? À ma connaissance, ils se déroulent sous l’époque romaine…
Philippe Durant
Claude Aziza, Le Dictionnaire du Péplum, Vendémiaire, mai 2019, 395 pages, 27 eur