Les Elites françaises, des Lumières au grand confinement

La notion d’élite constitue un sujet de débats actuellement dans la société, et jusqu’au sommet de l’Etat, puisqu’on y parle de transformer la trop célèbre ENA, Ecole Nationale d’Administration. Pour cette raison, le livre de l’historien Eric Anceau tombe à pic ; il s’appelle Les Elites françaises, avec ce sous-titre : « Des Lumières au grand confinement ». 

de Louis XIV à Emmanuel Macron

C’est un gros bouquin, avec pas moins de 80 pages de notes et notices diverses, qui serait une sorte de thèse, s’il ne se lisait en réalité bien plus agréablement que la fastidieuse compilation universitaire. Il s’agit en fait un récit, qui va de Louis XIV à Emmanuel Macron — avec quelques longueurs — mais aussi mille petites histoires incluses dans la grande Histoire, comme pour l’aérer de fantaisie, et la pimenter de détails. 

L’auteur nous montre que depuis Colbert, les élites ont toujours existé en France, autour des rois, d’abord, et avec la République, ensuite. C’étaient des nobles, des lettrés, des ministres, des industriels, des intellectuels, grands bourgeois ou bourgeois tout court, attachés à la bonne marche de la Nation — et parfois au bon avancement de leur carrière, ou de leur patrimoine !

Eric Anceau s’attarde sur le rôle éminent de ces grands commis de l’Etat, souvent hauts fonctionnaires, ou surdiplômés, acteurs majeurs après la dernière guerre, de ces années baptisées les Trente Glorieuses, suivies malheureusement des Trente Piteuses. Des années marquées par des scandales divers, des politiques médiocres, et le creusement d’un fossé grandissant entre les peuple, et ceux qui le gouverne. 

A cet égard, l’historien mesure les relations parfois houleuses que les Français eurent avec leurs élites, à travers les révolutions du XIXe siècle, par exemple, ou bien des évènements comme l’affaire Dreyfus. Il analyse ainsi la place prise progressivement dans la société des femmes, des médias, ou des juges, autant que la montée des insoumissions, et du fameux « dégagisme ».

La France inchangée

Mais de Sully à Castex, en passant par Turgot ou Pompidou, c’est bien de la même France qu’il s’agit. On retiendra donc cette phrase sans concession, qui en résume beaucoup : 

Les Français reprochent aux élites politiques d’avoir abandonné la souveraineté, aux élites économiques de trahir la France au nom de la mondialisation, aux élites médiatiques de faire preuve de connivence avec les autres, aux élites intellectuelles de complexifier les problèmes à l’excès, affectées par la « blessure narcissique » de voir que le monde, qu’elles ont forgé depuis les Lumières, ne leur accorde plus la place qu’elles croient devoir mériter. 

Malgré cette belle péroraison, Eric Anceau s’est enhardi imprudemment à traiter les années très actuelles, celles de la « Macronie » et du confinement, sujets sur lesquels il semble bien moins à l’aise, faute du recul nécessaire au bon historien pour être pertinent. Ces pages inutiles lui seront pardonnées, au regard de la grande qualité de cette étude, qui ne devrait pas échapper à ceux qui savent mieux qui on est quand on sait d’où on vient. 

Didier Ters

Eric Anceau, Les Elites françaises, Edition Passés Composés, octobre 2020, 460 pages, 24 eur 

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