La Quasi-Guerre, la France contre les États-Unis
Professeur à l’université de Nantes, Éric Schnakenbourg est un spécialiste des mondes atlantiques au XVIIIe siècle. Il se penche ici sur un moment méconnu de l’histoire franco-américaine appelée par les historiens américains la « quasi-guerre » ayant existé entre la France républicaine et les jeunes États-Unis à la fin du XVIIIe siècle. Comment ces deux jeunes républiques en sont-elles arrivées là ?
Une incompréhension profonde
Comme le montre l’auteur, ce conflit remonte à la guerre d’indépendance et aux arrière-pensées des deux partenaires. Lors de la conclusion du traité d’alliance de 1778, les Français espéraient remplacer commercialement le Royaume-Uni comme principal partenaire des américains : une illusion tant le commerce entre les deux rives de l’Atlantique reprit dès la conclusion de la paix. La question de la dette contractée par les américains en France pesa aussi lourdement, tant son remboursement fut plusieurs rééchelonnée, à un moment où la France était en était de faillite quasi-permanente…
Lorsque la guerre éclate en 1793 entre la France et l’Angleterre, les États-Unis proclament leur neutralité. Pour la France, l’important est alors de maintenir des relations commerciales avec eux, surtout pour les vivres. Mais les américains choisissent de renforcer leurs relations commerciales avec Londres en 1794, ce qui choque Paris. Les États-Unis veulent ainsi affirmer leur neutralité et critiquent les menées des corsaires français qui arraisonnent leurs navires : c’est la guerre de course contre un pays qui réexporte les produits anglais au grand dam de Paris. Et voilà qu’en 1796 les ambassadeurs sont rappelés.
Un conflit fondateur
Adams et le congrès américain décident alors d’autoriser aussi l’armement de navires corsaires. Le ravitaillement de la Guadeloupe est bientôt suspendu. Surtout, le gouvernement américain créée l’U.S Navy pour patrouiller autour des côtes. Le travail des consuls français et américains (techniquement, les deux pays ne sont pas en guerre), devient très compliqué. Devenu consul, Bonaparte, sur les conseils de Talleyrand (ce dernier avait choqué en exigeant des « douceurs » en 1796 aux envoyés américains, c’est l’affaire XYZ) veulent renouer avec les États-Unis : la convention de Mortefontaine négociée en 1800 entre autres par Joseph Bonaparte, met fin à cette « quasi-guerre ». Et bientôt Napoléon fera en vendant la Louisiane, un cadeau incroyable aux américains.
Ce livre passionnant est une excellente occasion pour revisiter une page méconnue de la tumultueuse relation franco-américaine.
Sylvain Bonnet
Éric Schnakenbourg, La Quasi-Guerre, le conflit entre la France et les Etats-Unis 1796-1800, Tallandier, janvier 2024, 320 pages, 22,50 euros