Marivaux, une biographie

Que reste-t-il de Marivaux ? Des fausses confidences, des serments indiscrets, une amante frivole, une double inconstance, et nombre de comédies qui nous ont laissé ce terrible mot : marivaudage. Dans son ouvrage sur Marivaux, en forme de biographie, Franck Salaün s’attache avec justesse à expliquer  combien ce marivaudage, qui colle si bien à l’écrivain, est réducteur au regard d’une oeuvre considérable. Et qu’il ne suffit pas de jouer au jeu de l’amour et du hasard pour prétendre la  connaitre. 

Certes, Marivaux a réussi ses comédies, abondamment jouées en son temps, et il demeure l’autre grand dramaturge du 18ème siècle avec Beaumarchais. Cela n’est pas discutable. Mais comment oublier qu’en dehors de son théâtre, l’ensemble de ses romans, récits, contes et nouvelles représente la bagatelle de 1.130 pages dans la Pléiade, signe qu’il savait faire autre chose que marivauder… 

la vie du parfait honnête homme

Le livre de Franck Salaün dissèque cette œuvre littéraire dense, autant que les éléments d’une vie pourtant assez mal connue. De sa vie sentimentale, on sait qu’il eut une fille qui entra au couvent ; on sait mieux qu’il fut un esprit brillant, ami des lettrés de son temps, fidèle des salons littéraires que tenaient les grandes dames du siècle des lumières. « C’était un homme de beaucoup d’esprit et de mœurs très pures » note un de ses contemporains. Le célèbre portrait de Val Loo montre un visage avenant, un regard droit, une mise soignée, et l’allure du parfait honnête homme. On sait aussi que ses pièces ont attiré, entre 1720 et 1750, c’est-à-dire pendant trente ans, pas moins de 268.000 spectateurs, record seulement battu par Voltaire, si l’on en croit les sources de Salaün. 

Ce succès, sans doute, doit beaucoup à ce marivaudage bien connu, associé à une virtuosité toute personnelle, et à ces surprises de l’amour, fort prisées alors. Il ne doit pas faire oublier que, parallèlement, Marivaux écrivit des pièces plus philosophiques, comme L’Île des esclaves, ou L’Île de la raison, qui furent moins goûtées, des pièces historiques, moins connues, et des romans remarquables, comme Le paysan parvenu, ou La vie de Marianne. Tous n’ont pas connu un égal succès, et on sait que Marivaux souffrit d’une relative pauvreté, quoiqu’il fût académicien, et reconnu de son vivant. 

Jusqu’à 75 ans, et sa mort en février 1763, « Marivaux vécut dans l’ombre de son œuvre », estime Franck Salaün, qui souligne « son existence quotidienne sans relief, entre son domicile, les salons, et les séances de l’Académie ». Mais cette œuvre, justement, riche en connotations sociales et psychologiques, et fort bien analysée ici, a connu une autre postérité. Encensée par Diderot ou Théophile Gauthier, installée au premier rang du répertoire de la Comédie Française, elle a séduit les plus grands metteurs en scène du XXe siècle. « On peut y voir le triomphe de l’art, et Marivaux a gagné son pari », conclue Franck Salaün. 

Didier Ters

Franck Salaün, Marivaux , Gallimard, « Folio biographie », mai 2021, 180 pages, 8,60 eur

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